Ethiopie – Thimkat à Adoua – Province d’Axoum – 19 janvier 2014


Que ne ferait-on pas pour assister à la fête du Timkat en Ethiopie ! Pas forcément dans un grand lieu spirituel comme Lalibela où on ne peut se mouvoir tellement la foule est dense, mais plutôt dans un village non loin d’Axoum pour pouvoir en apprécier sa splendeur, sa ferveur religieuse et tous les fastes qui l’accompagnent.

Timqet ou Timkat (amharique: ጥምቀት, français: baptême) est la célébration éthiopienne orthodoxe à la fois du baptême de Jésus dans le Jourdain et de l’Épiphanie. Elle se déroule le 19 ou le 20 du mois de janvier chaque année en Ethiopie.

Elle a démarré la veille à Axoum, où nous nous trouvions, avec des défilés, dignes des chevaliers de l’ordre de Malte, ou des croisés partants en Palestine. Sous les jacarandas, les chevaux défilent, recouverts de tissus jaunes, de tapis rouges et de selles avec des croix orthodoxes d’Abyssinie. Et les prêtres arrivent tous revêtus de leurs plus beaux habits de messe, vêtus de chatoyants brocarts, chasubles colorées recouvertes d’un petit haut tout en couleur lui aussi, qui leur couvre les épaules, ou bien tout de blanc vêtu, ayant des chapeaux, portant à la main des croix orthodoxes, protégés par des ombrelles rouges, jaunes, bleues, ornées des croix orthodoxes. C’est la sortie des tabots (Répliques de l’Arche de l’Alliance déplacée de Jérusalem jusqu’en Ethiopie durant le premier millénaire avant J.-C. Ils constituent la relique la plus sacrée et le symbole le plus important de l’Eglise orthodoxe éthiopienne), tables de la loi, portés sur la tête par les prêtres, accompagnés des chants liturgiques qui transcendent. Les pèlerins affluent, chantent, suivent les prêtres et un défilé s’organise dans la ville. Les hommes et les femmes sont endimanchés dans des robes affriolantes, souvent colorées mais supportée d’un châle blanc qui leur couvre la tête.  Le défilé se rapproche des rivières ou d’un plan d’eau. Axoum donnait le tempo du lendemain à Adoua.

Levée aux aurores pour rejoindre Adoua, lieu de villégiature du Timkat à quelques encablures d’Axoum. Un froid presque polaire (11°), une nuit étoilée comme il en existe tant en Afrique avec des cieux parsemés d’étoiles. Une arrivée dans une foule recueillie, tapie, serrée les uns contre les autres dans l’attente et le déroulement des prières de la messe …. Des pèlerins qui ont jeunés, tout de blanc vêtus, de la tête aux pieds, qui attendent dans une ferveur palpable, au grand air que démarre la fête religieuse. Pendant deux heures la messe se déroule en plein air : des prières, des prêches, du pain et de l’eau sont distribués aux pèlerins en guise d’eucharistie – ceci dans une grande ferveur et en même temps dans une foule calme et bonne enfant. Les prêtres bénissent les personnes. Pendant ce temps les tabots ont passés la nuit sous la tente, dans la fumée de l’encens et le chant des psaumes. Puis les prêtres se regroupent autour d’un bassin d’eau représentant le baptistère – le Timkat se déroule toujours autour d’un bassin – c’est le baptême du Christ. Et là les chants des prêtres commencent avec les bâtons aux poignées en bronze ou en bois, les tambours et des danses rythmées démarrent. C’est une danse des bâtons, je dirais mi amusée mi sérieuse. Des bâtons posés au sol ou bien levés vers le ciel. Une danse qui s’organise et qui ne manque pas de piquant. Un élan vous prend et vous vous mettez au diapason, dansez, chantez – tout cela dans la bonne humeur et aux sons des youyous. Nous nous étions mélangés dans la population en liesse et surtout moi parmi les femmes qui nous dévisageaient avec curiosité et nous parlions chiffons et beautés. Je vous rassure seuls nos gestes et nos regards échangeaient des paroles que nous ne comprenions pas. C’est l’avantage du voyage de pouvoir parler et échanger à travers les yeux et les sourires. Petit à petit la foule se resserrait, se faisait compacte pour atteindre le point d’eau – nous étions plus de 20 000, chantant, dansant et hurlant des youyous ! Je me souviens de ces sourires, de ces femmes en habits de fêtes avec des bijoux accrochés aux cheveux, aux boucles d’oreilles très stylisées couvrant le lobe de l’oreille, les cheveux peignés et tressés entourant le haut du front, ou bien avec des raies plus ou moins épaisse!. Elles avaient aussi de grandes boucles comme des anglaises. Un vrai défilé de mode en un lieu peu destiné à cet effet ! Certaines portaient aussi des foulards bleus qui enserraient leur crâne et elles revêtaient toutes un châle blanc sur la tête et les épaules … pureté, sainteté de ce jour. Les petites filles toute vêtues de rose, de blanc nous regardaient avec des yeux écarquillés, curieuses de la nouveauté que nous représentions en ce site. Puis les prêtres s’installaient devant le bassin et continuaient leurs chants et leur liturgie. L’aube se levait, le soleil apparaissait et vint le moment de sanctifier l’eau du baptême. L’évêque consacre l’eau, en mettant une plaque ronde avec trois bougies en cire allumées, qu’il lance sur l’eau du bassin. Les bougies flottent comme un petit navire ou radeau à la merci des vagues et de la colère de la mer !

Puis les prêtres font le tour du bassin et en bénissent l’eau à quatre points cardinaux. La foule se resserre pour voir les prêtres et la croix sous forme de bougie, qui vogue sur l’eau. Et là c’est le clou du spectacle : tous courent  et se jettent vers l’eau, vous éclaboussent ou vous aspergent pour vous bénir. Certains sautent dans l’eau du bassin ou remplissent des bouteilles d’eau pour vous arroser ou les apporter à ceux qui n’ont pu se déplacer. Cette eau consacrée vous purifie de tous les péchés. Et vous repartez pour une nouvelle année purifié et sanctifié. C’est surprenant sur le moment car on ne s’attend pas à être arrosé et surtout la foule compacte vous écrase. La police est intervenue pour écarter les gens et éviter de finir dans le bassin noyé, broyé ou écrasé.

Puis les trois tabots, qui avaient été sortis des églises et étaient restés toute la nuit sous des tentes, portés sur la tête des prêtres, sous des parasols en brocart, partent en procession dans la ville. C’est un moment magnifique car les prêtres sortent leurs ombrelles rondes, coniques ou octogonales, de velours rouge ou verte ornées, brodées de croix en fil d’or et dessinées de Sainte Vierge à l’Enfant, portent des chapeaux cloches de tissus chamoisés, dorés. Les diacres s’affichent avec des croix de cérémonie tigréennes petites qu’ils portent à la main ou bien de grandes qui sont sur des hampes de bois. Ils marchent sous le retentissement des youyous des femmes. Ils traversent toute la ville pour rapporter les tabots dans leur sanctuaire respectif. Les gens dansent au carrefour. Et puis chacun reprend le chemin de la maison pour fêter en famille, autour d’un repas, le Timkat. Jusqu’à l’année suivante.

C’est un grand moment de communion, de joie et de grandiose parade où tout le monde s’embrasse. La foule est en liesse et fait la fête pour démarrer une nouvelle année dans la joie et la pureté.

Je vais vous parler aussi des croix orthodoxes Ethiopiennes inconnues de nous. Elles ont trois origines : celles d’Axoum, celles de Gonder et celles de Lalibela. Elles ont des formes différentes les unes des autres et sont plus ou moins travaillées. Mais elles sont typiques et vous ne les trouverez qu’en Abyssinie. La taille des croix peut varier du simple pendentif à l’imposante croix de procession. Les croix les plus anciennes sont souvent en fer, en cuivre, en bronze ou en métal précieux. Celles antérieures au XVe sont des croix processionnelles, caractérisées par une hampe qui permet d’y adapter un manche afin de la transporter lors des processions. Elles sont de forme carrée, circulaire ou quadrilobée. Il existe quatre catégories de croix : les croix à crosse, processionnelles, à main et pectorales.

Catégories :Afrique, Ethiopie, Non classéTags:, , , , , , , , , , , , , ,

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