On est repartit avec le 4×4 local nommé UAZ vers Ozouri. On a retraversé des bois et surtout des collines désespérément chauves où parfois des maisons vides, abandonnées à la nature,restent esseulées, sans âmes qui y vivent. Puis on a atteint la jolie baie d’Ozouri où une famille de Bouriates vit sous la yourte accolée aux quatre poteaux sacrés. Des campeurs avaient rejoint le lieu. Je me suis installée dans une des maisons de bois de la station météorologique. Des chevaux attendaient les cavaliers et une gamine Bouriate nous a donné une leçon de course à cheval dans la montagne. Des bateaux faisaient la navette pour promener les rares touristes autour de l’ile, et nous sommes partis nous promener sur le cap, pour dominer la région et profiter d’une vue sur la baie, la mer et la forêt.
Un orage est tombé. Un premier arc en ciel s’est formé, suivi d’un second au-dessus du lac. C’était magique entre le noir du ciel, les trouées permettant au soleil de nous envoyer ses rayons ardents jaunes, rougeoyants et les couleurs de l’arc en ciel. Ce dernier couvrant, d’un bout à l’autre, la baie d’Ozouri. On aurait dit un pont en forme d’arc sur la mer. Un lien entre la Terre et l’horizon.
Une fois l’orage passé, nous sommes allés nous promener le long de la baie pour atteindre le cap en face de nous, y grimper et atteindre les forêts denses de pins ou de cèdres. De là on avait une vue sur le cap et sur les quelques maisons en bois de la station météorologique. Les nuages léchant le cap et les roches, avec des trainées sur la mer, rendaient le sable plus brillant et plus pâle.
Le plaisir suprême est de regarder la transparence du lac et de pouvoir voir les roches et pierres qui sont au fond, d’apprécier le bleuté turquoise de la mer et la beauté du lieu avec une vision complète sur la baie, entre les arbres. Le paysage laisse découvrir des rochers gris couverts de lichen roux, des fleurs jaunes, mauves, des edelweiss, des arbres sans feuillage, au tronc sectionné en sa hauteur, et parfois morts, parsemés à même le sol, sur la toundra, ou sur les galets. Et le contraste du ciel !
Une impression en même temps de désolation, de pureté, de dépouillement qui met l’homme face à lui-même et à ses questions existentielles. Et puis l’immensité de l’eau, à perte de vue, qui donne envie de plonger dedans. Mais à 8° on se retient car même pour gagner l‘éternité ça gèle définitivement l’envie !
Le jeu des nuages sur le lac est véritablement impressionnant. Ils sont ou très blancs, ou très noirs orageux, se mouvant en paquet, épais ou bien explosé, épars, un peu partout comme de grosses balles de coton. Ils bouchent toute la vue. On a l’impression qu’ils collent aux rochers et qu’ils descendent par strates vers le lac pour les recouvrir entièrement et fermer la voie sur le lac. Le lac où les nuages se confondent et s’entrelacent ensemble empêchant de voir les côtes montagneuses, l’enserrant. Le lac prend alors une couleur acier, miroir du ciel. Quand l’orage arrive, le ciel s’assombrit pour devenir noir avec quelques langues de luminosité. Il fait alors nuit noir ! On ne sait plus où sont les montagnes et tout se confond. On entend gronder, rouler l’orage. On perd la notion de l’espace et on a peu de temps pour aller s’abriter sous un toit. Chevaux et cavaliers partent au galop à travers la plaine pour se protéger avant que le déluge n’explose. Si on a le malheur de rester au milieu de nulle part on est saucé et trempé jusqu’aux os, au risque de prendre froid et de faire paratonnerre. Alors le bania (bain chaud avec vapeur) est une invite à se réchauffer, avec la vapeur des pierres chaudes, qui crépitent lorsque l’on verse de l’eau froide dessus. L’eau chaude, qui a bouillie sur le poêle, lave le corps et l’esprit. Un moment hors du temps pour soi et son corps. Puis le soleil revient et la nature sourit à nouveau jusqu’au coucher du soleil.
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