Le cap Khoboï


Puis continuant notre chemin, sur une des collines surplombant la petite mer, treize poteaux font face à elle, aux plaines venteuses et aux plages de sable fin. On dirait des pointes qui défient le ciel et les esprits. Ils sont garnis et recouverts d’une multitude de rubans colorés noués par des passants et des pèlerins.  On dirait des femmes dans leurs robes chatoyantes. J’en ferais autant au cap Khoboï, plus loin au bout de l’île. Ces totems sont réputés signaler le territoire de tel ou tel esprit. La terre est sacrée ici pour les Bouriates et les esprits regardent partout. Les totems marquent la limite de deux clans. Il faut alors rendre hommage aux esprits, qui les protègent, et chacun dépose un peu de nourriture, de lait en particulier comme chez les hindouistes, ou bien des pièces de monnaie en guise d’offrandes et on noue des rubans. Ballotés par le vent, ils se détachent et alors votre vœu se réalisera.

Le lendemain nous avons poursuivi notre chemin vers le nord en direction du cap Khoboï, sorte de mont pelé, où le vent souffle en tourmente, où sur les étendues de toundra, les petites fleurs éclosent en été. Pour l’atteindre on passe dans des forêts de cèdres où l’on croise un cimetière où reposent des tombes d’ex-décabristes ou de membres échappés du goulag. A son bout, le cap offre une vue à 360° sur l’horizon qui permet de voir le lac Baïkal dans son entièreté et de percevoir les montagnes qui l’enserrent. C’est juste majestueux et magique. La vue donne le vertige et coupe le souffle, tellement c’est vertigineux. On dirait que le cap et l’ile plongent dans le lac. Les falaises surplombent le niveau du lac d’environ 230 m alors qu’à 2 km à peine de la rive, le lac atteint la profondeur maximale de 1640 m ! Et ça on ne le sait pas !! Attention à ne pas trop regarder vers la mer car on pourrait être happé ou bien tomber en se tordant les pieds. Car les chemins sont raides, tortueux, coupant à travers des petits bois où les branches des sapins sont recouvertes de rubans, ou bien longeant les falaises, où des cairns sont empilés par les hommes sur les roches à pic. On rejoint à nouveau la culture bouddhiste.

Le mot « khoboï » signifie en Bouriate « croc, dent mâchelière ». Il est vrai que les contours du cap ressemblent à un croc. Sa vue de côté évoque le profil d’une femme, la tête à l’envers, courbée vers la mer. C’est pourquoi on l’appelle parfois le cap la « Roche Déva » (la Roche de la Vierge). Depuis des temps immémoriaux, le cap Khoboï était considéré comme un lieu sacré, on y organisait des cérémonies de culte. Khoboï se trouve près de l’endroit où la largeur du Baïkal est maximale (79,5 km). Et à nouveau tout le parcours jusqu’à la roche Déva est parsemé de poteaux ou de pierres enrubannés ou bien d’arbres aux branches colorées de rubans. On croirait des arbres de Noël !

On dit qu’au nord de l’île, à la pointe Khoboï, celui qui se baigne dans les eaux glaciales gagnera l’éternité. Je n’ai pas essayé car à 8° c’est la mort assurée, même en plein été !

A cet endroit le vent souffle en permanence et il est froid. Le temps se couvre rapidement et les nuages parsèment le ciel puis le recouvrent entièrement. Ils deviennent noirs et menaçants. Il est temps d’aller se réfugier dans les voitures car gare à la douche écossaise glacée ! Et puis le ciel bleu revient avec le soleil. C’est juste magique ! Toute la splendeur du lac est là !

 

 

Et là j’ai eu envie de danser et tourner sur moi-même, comme les chamans, de sauter, de crier et hurler ma joie, ma transe et mon plaisir immense d’être dans ce lieu majestueux. Et puis j’ai juste préféré m’asseoir, regarder la nature et les fleurs environnantes ; écouter les mouettes jacassantes et soûlantes qui passaient au-dessus de nos têtes ; m’imprégner de cette nature ; la sentir m’enserrer et m’étreindre.

En regardant au niveau du sol, j’ai découvert, sur les chemins, des edelweiss qui poussent comme du chiendent. J’ai eu l’impression de revenir à mon enfance dans les montagnes de Savoie où on les ramassait comme des trophées et des portes bonheurs.  Je n’ai pas pu m’empêcher d’en prendre un et de le faire sécher en souvenir de cet endroit si authentique.

Le vent soufflait et le ciel était noir de chez noir, cachant le soleil naissant. Un épais manteau de nuages enrobait le lac et le cap, se reflétant sur la petite mer. C’est impressionnant comme le temps peut varier d’une minute à l’autre ; et changer l’aspect général du lac. On peut passer de la tempête au plein soleil. La mer peut être calme comme très agitée voire impossible à traverser. Les marins en savent quelque chose.  Parfois ils luttent avec leurs bateaux, sur une mer déchainée, avec des creux de huit mètres ! Le Baïkal n’est pas toujours un lieu propice à l’homme ! Ni un lieu enchanteresque !

 

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