Aujourd’hui 18 octobre 2017, je revis sur la côte catalogne, les mêmes cieux noirs d’orage, comme ceux sur le lac Baïkal. Cieux , qui en deux minutes, changent et passent d’un bleu azur, turquoise avec un soleil de plomb, à un noir foncé, qui annoncent en deux minutes l’orage, le déluge et la pluie violente qui vont s’abattre sur nous, promeneurs assez fougueux et imprudents pour en oublier les caprices de la nature et surtout celle du Baïkal.
L’histoire de ma traversée du Baïkal commence à Irkoutsk ce 15 juillet 2017. Il démarre par un souvenir émouvant, le long du fleuve Angara. J’ai retrouvé avec une grande émotion la Russie soviétique, profonde et attachante. En pleine après-midi, une sorte de thé dansant s’était improvisé, sous nos yeux, sur la place de la statue d’Alexandre III. Des couples dansaient au son de l’accordéon et du trombone, ils valsaient entre homme et femme, entre femmes avec un air des années 50. On aurait dit un film défilant en arrière et remontant le temps. Tout cela semblait irréel mais tellement présent en même temps. Et puis cette indifférence aux regards des autres, alors qu’ils foxtrottaient au rythme de la musique et de leur âge avancé. Leur seul plaisir – swinguer avec leur partenaire – prendre ce temps à la vie. Cette image je l’ai en moi, je la porte car elle reflète un moment entre deux eaux, entre deux souffrances, entre les petits et grands plaisirs de la vie. Un moment pour eux seuls, pour le plaisir de vivre du bon temps, de profiter d’une éclaircie et de la musique. Ces pas de deux portent toute la sagesse acquise par ces hommes et femmes à travers le temps et les aspérités de la vie. La statue d’Alexandre III doit avoir l’habitude de les regarder danser malgré son sérieux ! Et le fleuve Angara de même … Angara qui évoque déjà le début du voyage vers le lac Baïkal. Ce fleuve émane du lac et coule vers le nord et l’ouest pour rejoindre l’Ienisseï. Il passe à Irkoutsk et reçoit les eaux de son affluent l’Irkout. Il est impressionnant car très large et en même temps tumultueux. On peut voguer dessus en bateau et se promener le long de ses berges. Il existe une légende du fleuve Angara et du lac Baïkal.
Le Baïkal, père a 336 fils, représentant les 336 rivières se jetant dans le lac et une fille se prénommant Angara.
Le père voulait marier sa fille au preux Irkout mais sa fille voulait se marier à l’Ienisseï car elle l’aimait. Le père l’apprenant, cacha sa fille au fond du lac. Cette dernière prit la fuite et retrouva l’Ienisseï. Son père, fou de rage, lança un rocher pour empêcher sa fille de rejoindre l’Ienisseï, qui ne l’atteignit pas et devint la pierre des chamans. Les colères du Baïkal sont celles du père d’Angara. Il déchaine des tempêtes sur le lac.
Nous sommes partis rejoindre le lac Baïkal le 16 juillet en bus collectif (plus rien à voir avec les bus soviétiques ou les fourgonnettes UAZ !) accompagnés d’une multitude de Chinois. Comme les ramassages scolaires, Le bus passe à chaque hôtel ou pension de famille à Irkoutsk, récupérer ses charmants touristes pour les 300 kms de balade, de nids de poule, de secousses, jusqu’au port de Sakhyurva pour prendre le bac et débarquer sur l’ile d’Olkhon, début de l’aventure tant rêvée. Soit 7 heures de bus et la traversée de l’Europe et de la Russie continentale pour moi !!!
Il faisait un super soleil. Ce qui augurait un voyage sous des cieux propices et la joie de découvrir le Baïkal sous le soleil et le ciel bleu.
Nous avons traversé les plaines ou plutôt les steppes de Tajeranskaya, grandes étendues où l’on croise peu de villages. Des steppes vertes en cette saison, même si elles peuvent ressembler à de la paille par endroits, où éclosent des fleurs à perte de vue. Quelques collines cassent l’étendue de la steppe et la vue vertigineuse du ciel clair, parsemé de quelques nuages la rende immense ! Quelques villages par-ci par-là nous rappellent que des hommes vivent ici ; des vaches croisées broutent les herbes rases ; parfois une église apparait sur une colline, perdue au milieu de nulle-part. On se demande pourquoi elle est là et quels sont les pèlerins qui viennent s’y recueillir. C’est assez irréel et cela met dans le bain de cette région. Puis les paysages changent pour laisser place à des monts de plus en plus hauts, chauves, recouverts de toundra, avec des sapins clairsemés, perdus au milieu de la steppe. Parfois on croise aussi des plaines avec des touffes – roseaux verts de petite taille – plantés de manière régulière comme si l’homme était à l’origine. Cela donne un décor surréaliste. Puis à nouveau la nature chauve ! Sur la route, à plusieurs endroits, des sites chamaniques rappellent que le lieu est habité par les esprits et qu’il est en lien avec la nature et le surnaturel. Le plus souvent, on voit des sortes de piquets enrobés de tissus, déposés par les autochtones, les Bouriates, en guise d’offrandes, ou de vœux à réaliser, lorsque le vent emportera les rubans. De loin on pourrait croitre à une cohorte de femmes, en robes, qui marchent le nez au vent. Ces endroits sont chatoyants car couverts de rubans multicolores, bleu, rouge, vert, identiques aux drapeaux de prière du Bouddhisme.
Enfin on arrive au port. Le bac permet de passer sur l’ile d’Olkhon. Olkhon veut dire sec en Bouriate.
En une demi-heure on se retrouve de l’autre côté après avoir traversé une eau bleue foncée d’une pureté à couper le souffle.
On vous rappelle gentiment sur le bateau qu’il ne faut rien jeter dans l’eau. Pureté oblige ! Caractéristique première du Baïkal.
Cette traversée donne un avant-goût des futures autres, en bateau sur le lac, entre Ouzir et Solnitchnaya dans la réserve Baïkal Lena et plus haut vers le cap des cèdres du Nord où Sylvain Tesson passa six mois.
Au sortir du bateau nous reprenons la route sablonneuse pour Khoujir, premier village où dormir, lieu de pèlerinage des chamans et des croyants Bouriates.
La première vision de Khoujir est triste car le village est étendu à plat, à perte de vue, et rempli d’auberges ou guest-houses. Il n’y a que du sable. Impressionnant comme ville ! D’une platitude ! Mais la plus belle vision est le rocher des Chamans – lieu sacré – avec son dragon marron sur le flanc côté petite mer ; ses écritures tibétaines sur la roche et l’arc de cercle de sa mini-baie. Le lieu est magique et regorge d’une énergie comme sur l’ile de Pâques. Et puis la paix s’instaure en soi.
Votre commentaire