Ce Tibet, déjà si triste et embrigadé par les Hans, qui se refermait et vivait un exil intérieur.
Ce tibet me parle d’autant plus aujourd’hui puisque nous vivons un confinement, dû à un virus provenant de Chine. Comme si ce pays portait le malheur non seulement auprès des minorités constituant son territoire géographique mais l’exportait auprès peuples du monde. Infligeant morts, silence et mensonge auprès de nous tous.
Mais revenons à la grandeur des paysages qui m’ont permis à travers ce voyage de découvrir les grands plateaux tibétains à des hauteurs de cinq milles mètres et donner à ces immensités un sentiment de solitude extrême.
Solitude extrême entrecoupée de très belles rencontres de femmes et de beaux visages rougis par le froid et le vent, burinés par le soleil incandescent de ces hauteurs, ceintes de châles ou de chapeaux en yak pour se réchauffer, tenant dans les bras un bébé chèvre noire.
Ou bien ces femmes marchant sur le bord de la route avec leurs masques sur le visage pour éviter la poussière tournoyante des grandes immensités. A les croiser ainsi on pourrait se demander si ce sont des tibétaines mais le teint et les habits, en particulier le tablier, ne trompent pas et les rendent encore plus chères à mes yeux.On ne peut imaginer la dure vie qu’elles mènent mais où complicité, rires et collectivité se réunissent pour en adoucir la rudesse. Ces grandes femmes, fières, libres, sortes d’amazones créant un royaume réduit à un plateau, le parcourant au péril parfois de leurs vies.
Ce tibet qui rime avec des immenses moulins à prières, qui quadrillent le paysage et rythment les étendues traversées au gré des monastères ou des chortens plantés de si de là.
Immensités qui se partagent entre les rivières longues et larges dont les rebords sont assemblés d‘herbes de pailles fanées. Le ciel aux nuages grisonnants et plombant, ferment le paysage avec les montagnes enneigées dans le fond. Un sentiment profond d’écrasement vous englobe et vous balaye. Parfois un entrebâillement permet de voir le soleil et d’admirer le ciel bleu. On a une impression de toiser le monde et de toucher du bout des doigts le plafond du monde. Mais que nenni nous en sommes encore bien loin même si chaque plateau vous fait effleurer la plénitude du monde.
Et puis tout à coup devant nous un nouveau sommet bloque notre vue. La roche en est striée et blanche de neige éternelle. Et les nuages drapent cette montagne et laisse échapper une éclaircie imprévue. Nous croisons des lacs créés par l’homme pour en faire des barrages électriques ou bien de très beaux lacs naturels comme le lac Yamdrok qui a marqué mon esprit. Je n’en oublierais pas le bleu ni la grandeur. Le surnaturel toise le naturel et vous perd dans un labyrinthe de pensées confuses.
A d’autres moments nous sommes sur des plateaux secs, minéraux où les hommes arrivent encore à faire de l’agriculture. Les yaks et la serpe retournent la terre et préparent les futures et uniques semailles de l’été qui seront engrangées pour les bêtes et les humains pour l’hiver. Impressionnant et désolant dans des lieux voués aux vents, aux neiges et la majesté isolée du monde. Il est intéressant de noter que nous montons de plateaux en plateaux. Et chaque envolée se termine par une montagne qui bouche la vue. Parfois les routes enveloppées de brouillard font que nous sommes perdus, au milieu de nulle-part, coincés entre des sommets qui bouchent la vue. Un extrême sentiment de solitude et parfois d’effroi vous étreint. On en oublie qu’une route est pourtant existante et qu’elle mène quelque part – mais où ? Seuls les Dieux tibétains le savent !Et la terre comme essorée et passée dans une lessiveuse vous donne l’impression de « ups and down » et de ne plus savoir ce qui est du réel ou de l’irréel.
Elle passe de l’ocre rouge au minéral de sable blond comme on peut les trouver au Zasnkar ou au Ladakh.
C’est juste magique et grandiose !
Mais 2020.
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