Le Ladakh est une terre où les monastères, leurs vies et leurs sectes se déploient tout comme au Tibet ou au Mustang. Ce pays est un lieu de passage entre le Tibet et l’Inde et de développement du bouddhisme.
Il y en a des connus et des moins connus. Mais tous sont juchés sur des pitons. Ils surplombent et regardent les vallées. Ils les narguent et servent de rempart aux invasions.
Ils évoquent ce bouddhisme et ses rituels pour moi : le premier en est de faire tourner les moulins à prières, petits et grands, peints ou en boites de conserve ; d’entendre les klings de chaque passage et parfois compter le nombre de tours faits une fois qu’ils sont lancés. J’ai ainsi pu compter jusqu’à 111 tours à Lamayuru !!! C’est long et c’est magique ! Comment faire 111 tours alors que nous n’avons fait qu’un tour au départ !!! C’est 111 « Om » qui se répètent à l’infini. Ces tours égrainent des prières à l’infini et répètent en écho les « Om » des moines. C’est un peu la démultiplication des petits pains sauf que ce sont des prières. Une fois ce premier acte de foi réalisée, il y la montée des marches pour atteindre le nirvana du monastère c’est-à-dire la cour intérieure où se trouve le mât avec la queue de yak, objet vénéré. C’est en général l’entrée et l’accès aux différentes pièces du lieu saint. Mais il y a aussi la découverte des peintures représentant la roue de la vie avec ses mystères terrifiants de la réincarnation. Et les salles où l’on doit se déchausser pour y découvrir les statues de Bouddha, Avalokitésvara ou tout autre Dieu. Ou bien écouter le son des instruments et les chants des mantras des prêtres psalmodiant leurs ritournelles ensorcelantes. Ou encore voir les moines en train de réaliser un mandala de poudre, le kalachakra, acte de précision, magique s’il en est un, avec des sortes de pipette dans laquelle ils ingèrent les couleurs et tapent avec un petit morceau de bois pour les répandre et dessiner ce mandala éphémère. Ephémère car une fois réalisé il est descendu près d’un fleuve et détruit. Je pourrais rester des heures à les regarder, à écouter, pour m’oublier, et me confondre dans les murs de ces monastères. C’est toujours une nouvelle surprise au détour d’un coin ou derrière une tenture. Ces lieux sont intarissables de vies, d’histoire et de merveilles. « Om » !
Et je dois dire que de toutes les visites effectuées mes préférés sont :
- Ridzong
Ce monastère comme tous les autres est arrimé à la montagne minérale, grise, marron aux faces glissantes. Il faisait penser à celui de Ganden au Tibet en demi-arc de cercle sur le flanc de la montagne. Ce qui a retenu mon regard ce sont les moines faisant un kalachakra. Ces moines manient les pipettes pleines de poudre de couleurs différentes et les répandent pour dessiner ce mandala éphémère. J’ai regardé avec admiration cette dextérité, ce calme, cet oubli de soi, de son corps que l’on tord et la manière dont ils remplissaient l’espace avec de fines courbes de couleurs vertes, jaunes, rouges. Des animaux, des formes, des écritures apparaissaient. Et puis tout à coup les moines s’envolent comme des moineaux effrayés, disparaissent pour prendre leur déjeuner, abandonnant là le travail. Et ce travail peut prendre une semaine voire plus. Comme il est éphémère, il est détruit à la fin de sa réalisation près d’une rivière. La poudre est jetée dans l’eau. Tout revient à l’eau ! « Om » !
- Alchi
Celui-ci est un mélange de bouddhisme et d’hindouisme. Il est enclavé dans les montagnes proches du fleuve Indus et invisible à l’œil. Il est bâti comme un temple hindouiste à deux étages mais sans toit incurvé plutôt plat. La façade comme dans les temples comportent des représentations et des Bouddhas. Les bois soutenant les bâtiments sont merveilleusement stylisés et pour moi proches du Népal (période Pala). Des lions soutiennent les piliers et Bouddha se trouve sous chaque porte. Les dessins sont très fins. Et les intérieurs présentent des fresques des mille Bouddhas ou bien des Apsaras dansantes de style moghol et méritent le détour pour leur beauté incommensurable. On dirait des miniatures peintes d’une finesse à couper le souffle. Je ne peux que vous le raconter car on ne peut prendre aucune photo pour la conservation du site. A l’intérieur Avalokiteshvara en pied, drapé dans un tissu (fresque murale) montre toute la beauté des représentations : palais, temples, chevaux courants au vent…. Les détails et les couleurs des dessins d’une grande réalité racontent une époque révolue. Les Tara ont les trois yeux en forme d’amande étirée et leurs seins plantureux et rebondis sont émouvants de douceur. Comme les Apsaras d’Angkor Vat on dirait qu’elles dansent et les doigts de leurs mains ont des mouvements et des inclinaisons indescriptiblement rondes et incurvées comme le « Om ». On y retrouve les dieux et déesses hindous, des singes, des nagas (serpents). De magnifiques mandalas aux plafonds attirent vos yeux qui ne peuvent s’en détacher. Certains plafonds ressemblent à des pans de tissus avec des motifs de fleurs, de svastikas, de cerfs, de lions ou d’éléphants, de guerrières rouges, oranges et jaunes comme flottant dans l’espace. Tout ceci donnant une impression de féérie et de jamais vu. On y trouve aussi une figure de Manjusri qui fait penser à l’Inde. « Om » !
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