Les iles Ouchkani et Kamen Biki


Seul le vol des mouettes nous arrache à nos méditations et interrogations sur la vie. Ces dernières nous jouant une danse et nous donnant le tournis. Quant aux nuages on ne peut se lasser de ce que la nature offre et on peut passer des heures à regarder les changements des formes, des couleurs, des cumulonimbus. Cela mérite de s’accorder ce temps et de profiter de la merveilleuse splendeur que le lac prodigue. Le soir est tombé et d’un ciel noir anthracite, tout est de venu rose. Un moment juste improbable.

Le matin, au réveil, j’ai assisté à un phénomène courant sur le lac, mais inconnu à mes yeux. Le lac était recouvert d’un brouillard (touman en russe) qui blanchissait le lac et les côtes opposées aux nôtres. Les iles Ouchkani étaient cachées, invisibles. Cela faisait comme une barre blanche flottante sur la mer donnant l’impression d’éloigner la côte est. On croirait un banc de neige bouchant la vue malgré un très beau soleil qui illumine le tout. Ou bien une balle de coton que l’on étirait sur toute la longueur de la mer. Un moment entre deux mondes, inédit, qui faisait scintiller la mer et ses reflets dans l’eau. « Un écran entre la vie et les états…. Ce matin l’aube s’empêtre dans les tulles. » Sylvain Tesson (Dans les forêts de Sibérie)

Pour finir l’exploration du lac nous l’avons traversé d’est en ouest, dans sa largeur. Une trentaine de kilomètres en bateau. Nous avons rejoint les iles Ouchkani, qui a « la forme d’un chapeau de feutre » où nous attendait une colonie de Nierpa, phoques d’eau douce, du Baïkal paisibles et joueurs. Mais avant de parvenir sur l’ile Ouchkani, nous avons croisé des iles aux formes différentes que je comparerais à des animaux : hérisson, tortue et rat à longue queue. L’arche de Noé en concentré ! Ces iles ne sont pas habitées. Seuls les animaux y sont les rois en particulier les fourmis rouges qui vous dévorent de partout ! Elles piquent ! C’est un vrai délice et aucune invite à rester sur Ouchkani ! Pourtant on aimerait pouvoir admirer les Nierpas, tranquillement mais pas moyen ! Les Nierpa sont une race particulière de phoques que l’on ne trouve que sur le Baïkal. Ils passent leur temps dans l’eau transparente à pêcher l’omoul ou bien à se faire dorer sur les rochers. Ils se chamaillent à qui prendra cette place ! Ils prennent des poses, dignes des hommes, plongent et remontent à la surface pour se sécher. Et ils sont bien repus pour certains. Puis ils partent voguer vers d’autres horizons du lac. L’endroit est magnifique, sans les fourmis rouges, véritable infestation ! Les eaux environnantes sont l’équivalent de la méditerranée. L’eau est claire avec des reflets vert, turquoise et bleu plus foncé. On peut voir le fond de la mer et repérer les galets qui jonchent le sable fin. En un mot admirer les différentes couleurs chatoyantes. J’aurais juste aimé plonger dans l’eau mais la zone est protégée ! Je l’ai admiré des yeux et ceci pour l’éternité ! Le lac transforme l’être.

Nous sommes repartis vers un endroit où les gens prennent des bains de sulfure. Nous avons fait demi-tour pour aller nous poser dans une baie tranquille, pour déjeuner d’omoul séché et salé, préparé par Sergueï, et de bière. Soleil, repos, bavardage. Je serais bien restée là aussi à mirer le monde de l’est du Baïkal mais il fallait atteindre le port de Kourboulik sur Sviati Nos avant de rejoindre Oust Bargouzine. Fin de journée triste car je quittais Sergueï et Natacha. Mais dans mon fond intérieur je sais que nous nous reverrons ! Je suis revenue à la Russie et je sais que je reviendrais. Cet endroit est trop magique pour moi et il m’appelle déjà. Nous finirons sur la rive est du Baïkal, rive complètement différente, où le sable blond, les bouleaux ou les forêts de pins hauts, un peu comme dans les Landes en France, donne un autre visage de ce lac. Nous irons jusqu’à « Kamen Biki » « Boukhe Choulin » (pierre du bouc) au-dessus de la ville de Oust Bargouzine. Endroit sacré où un Saint bouriate repose. La légende dit que les Bouriates qui s’étaient installés dans cette région avaient des troupeaux de taureaux. Ils les conduisaient vers Tchita pour l’hivernage et l’un d’eux n’a pas voulu y rester. Il a longtemps erré entre la Mongolie et la Russie. Par trois fois il a été enlevé et est revenu pour définitivement se fixer en Russie, près du lac Baïkal. Il s’est transformé en une pierre sacrée. Cet endroit est juste étrange, symbole du chamanisme, des croyances Bouriates (le taureau pour les Bouriates est un animal totémique symbole de la force de la nature), dans une vallée où tous les vents soufflent. Chacun dépose des pièces de monnaie, des allumettes, des rubans sacrés, du thé, du lait, de la vodka, et tourne trois fois autour pour raconter sa vie, parler de sa famille, de ses enfants et terminer par ses malheurs et en même temps réaliser son vœu. A côté de la statue de pierre il y a une écuelle avec du foin, une boite où brule l’encens, une clochette, une lampe à huile tibétaine. Tout le rituel chamanique ou bouddhiste.

La boucle est bouclée. Le Baïkal n’est plus à cet endroit. Le voyage en « Baïkalie » est terminé. Il restera ce lieu magique, résonnant en moi pour de longs moments. Une symbiose s’est installée et je suis rivée à cette mer intérieure russe. Je rêve de revoir le lac, sous toutes ses formes, sous toutes les saisons, pour m’en imprégner à jamais.

Ce diaporama nécessite JavaScript.

Catégories :Europe, Non classé, RussieTags:, , , , , , , , , , , ,

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :