Le musée de la Paix à Chiran – Kyushu – Japon


S’il est un lieu qui m’a beaucoup marqué c’est celui du musée de la Paix à Chiran.

Chiran est une ville à l’extrême sud de l’ile de Kyushu entre Kagoshima et Ibusuki, au milieu des champs de thé.

Pendant la seconde guerre mondiale il y avait un aérodrome qui permettait d’atteindre les forces des flottes américaines stationnées sur les iles d’Okinawa mais aussi à Taïwan, Kengun, Bansei et Miyakonojo. Il a été ouvert en mars 1945 pour ces missions spéciales. La stratégie des attaques suicides a été mise en œuvre par l’amiral Takijiro Onishi en 1944 comme mesure désespérée pour protéger le Japon de l’invasion américaine.

L’histoire de la base aérienne de Chiran remonte à 1941, date à laquelle elle a été créée en tant qu’école de pilotage pour les jeunes cadets de l’armée de l’air.

Le musée a été réalisé sur un des coins de la base d’attaque militaire.

Ce musée dit de la Paix mais aussi des kamikazes retracent les derniers moments des futurs kamikazes japonais et nous permet d’avoir une meilleure compréhension de cette période.

Les kamikazes au Japon sont nommés » Tokko » et cela signifie « attaque spéciale » en japonais. Cela fait bien sur référence aux tactiques des attaques militaires pour lesquelles les pilotes d’avion se crachaient sur les bateaux militaires américains.

Le terme « kamikaze » combine deux mots japonais : « kami » (divin) et « kaze » (vent), en référence à un typhon du XIIIe siècle qui a sauvé le Japon d’une invasion mongole.

1036 « Tokko », âgés de 20 ans, sont sortis et morts sur la mer d’Okinawa : Chiran (439), Taiwan (135), Kengun (128), Bansei (120), Miyakonojo (83) et autres (131). Il convient de noter que 335 de ces pilotes ont été classés comme « jeunes pilotes », ayant rejoint le corps d’entraînement de l’armée de l’air à l’âge de 14 ans.

Tout d’abord le parc environnant le musée est poignant. Des stèles blanches sans noms marquent les 1036 Tokkos morts, le tout dans une verdure magnifique avec des camphriers et d’autres arbres. On peut voir deux avions de l’époque et surtout deux statues. Celle d’un des pilotes qui regarde en face de lui la statue de la « mère » et vice-versa. Elle est vêtue d’un kimono du temps de la guerre et derrière est inscrit : « mère et fils seront toujours ensemble ».

Puis on passe un Tori pour entrer dans un temple pour prier pour ces soldats morts à la guerre. Purification des mains mais aussi de l’esprit par l’encens et on va prier selon le rituel habituel : jeter quelques pièces puis frapper dans les mains et se courber les mains jointes. On vient prier Kannon, la déesse de la miséricorde au temple bouddhiste, pour reconnaitre la grande contribution de ces kamikazes et l’esprit noble de ces milliers de kamikazes.

Le musée, a ouvert en 1974 et s’est agrandit en 1986, cherche à honorer leur mémoire tout en promouvant un message de paix. En explorant cette institution à la fois sombre et éclairante, vous découvrirez un chapitre complexe de l’histoire du Japon qui continue à susciter des discussions et des réflexions sur la nature de la guerre, du sacrifice et de l’humanité.

Et c’est là que le bat blesse pour moi sur cette dernière phrase. La contribution des kamikazes et l’esprit noble de ces jeunes gens mais aussi le sacrifice et l’humanité. A croire que les Japonais n’ont pas pris conscience de la gravité de leurs actes pendant la seconde guerre mondiale et surtout le nombre de morts des Tokkos mais aussi des Américains. Il n’y a pas eu de « dénazification » comme en Allemagne au Japon et c’est là que se trouve ma gêne. Les gens viennent honorer ces kamikazes sans réellement se poser de questions sur leurs rôles pendant la Seconde Guerre mondiale.

Cela a donné lieu à des controverses. Les critiques affirment que le musée n’aborde pas le contexte plus large du rôle du Japon dans la Seconde Guerre mondiale et de la propagande d’État qui a conduit aux missions kamikazes.

Mais revenons à la visite. Tout d’abord entre le musée et le temple il y a un endroit très émouvant le lieu-dit « maisons triangulaires » où les 10 Tokkos vivaient leur dernière nuit avant le départ le lendemain matin. Ils étaient dans un abri en bois, planqué dans le sol pour ne pas être repérable, et ils pleuraient ensemble, écrivaient leurs dernières volontés aux parents, aux militaires, à leurs enfants….

En ressortant on tombe directement sur le musée d’où l’on peut apercevoir un avion à travers les vitres avant d’entrer dans le musée.

Un point important à noter est le fait que Tadamasa Itatsu, un ancien pilote kamikaze qui a survécu à la guerre, a joué un rôle clé dans le développement du musée. Après avoir assisté à un service commémoratif à Chiran en 1974, Itatsu s’est consacré à la collecte de matériel et à la vérification des faits concernant le Corps d’attaque spécial de l’armée de l’air. Ses efforts, qui l’ont amené à rendre visite à plus de 600 familles endeuillées, ont grandement contribué à la collection et à l’exactitude historique du musée.

Une fois dans le musée on entre dans la vie de ces jeunes étudiants, militaires, pilotes et surtout on peut lire leurs témoignages, les derniers moments et voir les photos. Donc mettre une histoire sur un visage. On y découvre aussi des avions, des reliques militaires comme casques, habits de combat et leurs derniers écrits (lettres ou bien sur le drapeau japonais dit hinomaru, des inscriptions).

Voici aussi les lettres adressées avant de mourir :

Le sous-lieutenant Fujio Wakamatsu a écrit : « Mère, je n’ai rien à dire. Pour mon dernier moment, et mon premier acte de piété filiale, je vais sourire et vaincre. Avec des yeux secs et en sachant que j’ai bien agi. S’il vous plaît, offrez des boulettes de riz à notre tablette mortuaire bouddhiste. »

Dans le journal du pilote Hayashi Ichizo, on peut lire : « Je ferai un travail splendide en coulant un porte-avions ennemi […]. Je lis la Bible tous les jours… Je chanterai un hymne lorsque je plongerai sur un navire ennemi »

Des témoignages oraux aussi et ceux des survivants – pour eux c’est une honte d’avoir échappé à la mort. Je me souviens de l’un d’eux décrivant son atterrissage sur une petite ile déserte ayant eu une défaillance de moteur.

Des bateaux ont été reconstitués aussi et ce dernier avion repéché au fin fond de la mer.

Je pense souvent à ce musée qui est aussi poignant qu’Hiroshima à mes yeux mais pas avec la même teneur ni dimension historique même si on évoque des hommes morts différemment.

A visiter absolument si vous vous trouvez proche de Chiran.

Paris le 3 juillet 25.

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