Sur la route, à 20 kms de Lashio, étant entre Lashio et Hsipaw nous sommes tombés nez à nez sur des femmes qui se rendaient à une cérémonie toute vêtues de magnifiques habits colorés de rose et avec des chapeaux brodés. Je n’ai pas pu résister à l’appel du large et filer rejoindre ces femmes à l’office du samedi..
Ce fut trois heures passées en leur compagnie comme un moment de convivialité et de joies comme je peux parfois les ressentir lors de mes voyages.
Ces femmes marchant sur leurs tongs, sur les chemins de terre, le long de la route, promenaient leurs paniers remplis d’offrandes, de fleurs, et bien d’autres choses. Elles faisaient une sorte de convoi, toutes plus colorées les unes que les autres. Cela égayait le paysage et me permettait d’admirer leurs costumes. Elles portaient des gilets roses ou verts et surtout sur la poitrine au centre elles avaient une rangée de pièces d’argent. Sur les hanches, des cercles d’argent leur entouraient le ventre, et tenaient les sarongs marron, vert ou noirs. De larges rangées en plastique noir et de très jolis bracelets torsadés en argent agrémentaient leurs hanches ou leurs poignets. Un petit chapeau pointu brodé de blanc, certain orné d’un joli pompon rose, leur donnait un port de tête admirable. Leurs visages étaient maquillés de la crème blanche pour les protéger du soleil. Certaines avaient un rond plein blanc, d’autres des points ou bien des sortes de labyrinthe. Une décoration supplémentaire qui les rendait toutes différentes. Elles déambulaient tout sourire sur le bord de la route ne prenant pas en compte les dangers du trafic. Une jolie troupe pour un rendez spirituel.
Elles se retrouvaient près d’une pagode et la joie de partager ce moment était écrit sur leurs visages. La fête était au rendez-vous et cela commençait dans l’aire du temple. Tout autour des sortes de guinguettes offraient aux arrivants de quoi manger ou se restaurer ; de quoi acheter des offrandes, de la nourriture et de l’eau purifiée. On pouvait se délecter des yeux mais du palais aussi : voir les saucisses attendant le chaland, des sortes de sucettes contenant je ne sais quel met mais dont la jolie petite fille au bonnet bleu, décoré de jolies fleurs en plastique jaune, rose et aux oreillettes recouvrant ses oreilles reluquait avec envie. Sa curiosité était aussi aiguillée par ma venue.
Cette enfant attira mes yeux car sa bouille ronde m’amusa et me remplit de bonheur.
Et puis je montais les escaliers en bois pour me rendre au temple. Temple très coloré lui aussi – ce doit être la tendance des peuples des montagnes comme on peut en voir aussi au Vietnam dans la région des montagnes avec les Hmongs.
L’intérieur du temple était recouvert de tapis pour pouvoir s’asseoir sur ses genoux – moi je ferais la pose yoga car sinon c’est une torture et m’est impossible.
Plusieurs autels faisaient face à l’entrée du temple et je me suis retrouvée à la tête d’une centaine de personnes, assises sur les genoux et papotant entre elles. Les hommes d’un côté les femmes et les enfants de l’autre. Pas de mélange ! Les femmes âgées devant, les femmes matures au milieu avec les enfants et les jeunes en dernier. Tout un rituel.
Les femmes âgées portaient des costumes noirs et des corsages blancs contrastant et sur leurs épaules un petit foulard tout en longueur avec en imprimé jaune une sorte de roue de la vie, circumambulation de la vie. Toutes portaient des nattes tressées épaisses. Et dans le lobe de l’oreille un rond noir était incrusté déformant ce dernier. En travers de leurs épaules elles portaient leurs sacs à bandoulières ou surement toute sorte de babioles servaient au rituel de la cérémonie. Un doux babillage se faisait entendre et je décidais de m’intégrer à l’un des groupes de femmes, de les regarder et les écouter même si je ne comprenais rien. Seuls les sourires nous rendaient proches et je me remémorais des moments intenses vécus en Inde. Elles étaient toutes plus belles les unes que les autres avec leurs chignons attachés par une pince, ou bien des queues de cheval épaisses pendaient dans leurs dos, ou bien un joli bonnet pointu, scintillant de pastilles de plastique transparent, était posé sur la tête des jeunes filles. Une cour des miracles de la mode shan.
Certaines arrivaient avec leur bassine remplies d’offrandes de fleurs : jasmin côtoyait des pâquerettes jaunes ou roses le tout empaqueté de feuilles de bananiers ou autres, de l’eau purifiée. Certaines assises avaient préparé des coupes remplies elles aussi d’offrandes comprenant des fruits coupés, des bouquets de fleurs blanches et des bâtons d’encens qu’elles brûleraient à un moment de la cérémonie. D’ailleurs, l’une d’elle avait une petite bougie qui brûlait au milieu de ses offrandes, le temps de la prière. Tout cela mettait une ambiance incroyable et bonne enfant.
Les enfants plus ou moins sages écoutaient les paroles des mères et me regardaient avec curiosité, approchant ou reculant selon leur degré d’intrépidité. Les visages de ces derniers étaient recouverts de la crème blanche sur les joues, le nez rejoignant le front avec un joli point rouge si nécessaire. On aurait dit des mosaïques ou bien des mandalas blancs peints sur les visages des femmes et des enfants. Une fillette avait le visage tout blanc, joues et fronts complètement peints. Elle portait une robe orange, verte jaune avec un joli corsage brodé de fleurs roses. Cela lui donnait un éclat extraordinaire. On aurait dit une danseuse cambodgienne se tortillant sur ses jambes repliées et nous faisant un délié spécial. Elle suçait une sorte de long ruban rouge. Un petit garçon a déambulé tout le temps de la cérémonie le long de l’espace laissé à profit, en costume orange avec sur la tête un turban rose et une sorte d’aigrette arrondie. Il avait l’air pensif et surtout concentré sur le plaisir de sucer son bonbon rouge.
Sur un des côtés du temple les hommes étaient assis sur une estrade, papotaient entre eux et ne prêtaient attention à rien, d’autres fumaient une cigarette ou un cigare.
Et puis mon regard fut attiré par une veille femme, debout, qui longeait l’autel, toute de noir vêtu avec une ceinture en tissu blanc qui enserrait le ventre. Elle portait sur la tête une sorte de calice qui pendait de chaque côté et elle parlait. On pouvait voir ses chicots à la place de ses dents et certaines manquaient. D’autres dents étaient en argent.
Et puis comme tout a une fin je suis sortie discrètement de l’office et ai repris la route avec toutes ces images de femmes et d’enfants.
Un beau moment, de la chaleur humaine et du bonheur comme seuls les voyages peuvent vous donner.
Lashio, Birmanie, août 2015
Paris février 2019.
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