Oh Patan,
Bijoux des yeux,
Bijoux du cœur,
Patan, Oh Patan,
Royaume de la vallée,
Patan, Oh Patan,
Aux écrins de pagodes,
Aux temples, multiples et variés,
Le long de la Bagmati,
Aux ruelles et cours,
Qui jalonnent et irradient ton cœur,
Patan, Oh Patan,
Aux femmes en sari rouge,
Flamboyantes, qui marchent de front vers un chemin qui n’est qu’un leurre,
Patan, Oh Patan,
Ma sœur bruyante,
Calme religieuse, spirituelle,
Bercée de prières, de chants,
Eclairée de bougies,
Patan, Oh Patan,
Où j’erre dans les ruelles, l’âme légère, en joie,
Où mon cœur est prisonnier,
Patan, Oh Patan,
Doux écrin d’où je ne peux m’éloigner, m’évader,
Patan, Oh Patan,
Objet de mon désir, de mon souvenir,
Tout me ramène à toi !
Décembre 2012
Je vous emmène faire un voyage, à travers cette ville, nommée Patan, dans ses cours, ses places, ses temples, ses musées, faire un brin de chemin dans un coin qui me tient à cœur.Patan, nommée, aussi Yala ou Kirtipur à ce jour. Mais je préfère le nom de Patan qui résonne, comme les notes rythmées sur le tambour, à mes oreilles, avec Paname d’où je viens. Echo Patan, Paname, Patan, Paname. Elles se mélangent et s’unissent dans un même son, une même rivière et une beauté différente.
Pour moi, Patan, ce sont ses beautés, ses couleurs, ses odeurs, ses ordures même, où bruits, clameurs, klaxons, trafics en tout genre, voitures, vaches, motos, bus, taxis communs déversent en son centre, un brouhaha cacophonique. Un joli charivari de charrettes, d’hommes, de femmes, d’animaux, entre autre.
Mais le clou de cette ville c’est le Durbar Square avec ses milliers de personnes qui passent et repassent et trépassent.
C’est le chemin qui mène au temple de Kumbeshwar ; c’est le centre de la ville, croisement des hommes et des femmes qui vont chercher de l’eau. La corvée d’eau étant réservée aux femmes et aux enfants, qui portent les bidons jaunes sur la tête ; les femmes charriant, sur leurs reins, l’eau quotidienne, nécessaire au lavage, à la cuisine, faire du thé, boire… ; l’eau pour se purifier avant d’aller prier aux temples avoisinants ; se laver les dents, se laver tout court ou se rafraîchir car l’eau est glacée lorsqu’il fait si chaud ; lieu de rencontres ; lieu de fêtes comme le « Maj Purnina » où viennent danser les chamanes ; c’est un lieu culturel avec son musée d’art asiatique et le palais royal, pures merveilles !
J’ai passé une journée assise au Musée de Patan, les cheveux au vent, à sentir l’air enrober mes épaules, comme un amoureux le ferait, en m’enserrant dans ses bras, tout en écoutant sonner les cloches du temple hindouiste, à regarder du haut des moucharabiés, ses hommes et ses femmes aller et venir, vaquer à leurs préoccupations du jour. Juste m’imprégner de la vie des gens : les enfants qui venaient charrier leurs bidons d’eau, remplis aux gueules du bassin, en ayant préalablement lavé leurs pieds et mains, repartis avec ses mêmes bidons plein, si lourds, pliés en deux, sous le poids. Chacun vient à monter sur le trépied pour asperger son visage et le purifier avec l’eau qui coule, de la goulotte, en forme de tête de dragon, d’où l’eau ne cesse de se répandre, comme une hémorragie permanente.Le soir, vers 18h, le bassin est le lieu de la purification avant les prières dans le temple. Les hommes et les femmes viennent y laver leurs corps sans pudeur. Les femmes se lavent au savon, en ayant retiré leur sari, juste en soutien-gorge. Aucune pudeur ne les retient. Les hommes, parfois en string, se lavent, en passant la tête sous l’eau pour se faire une nouvelle virginité ! La propreté est une affaire de tous les jours et reflète ce peuple fier.
On y papote, on s’y retrouve pour aller faire un tour, entre amis, avant de retourner à la maison. Et aussi, après le travail, c’est le lieu de rencontres et de rassemblement. Les vieux passent la journée là, à épier les allées et venues des uns et des autres. Ils sont assis à jouer au tric trac ou bien à regarder dans le vide, à parler avec leurs voisins et surveiller du coin de l’œil les allées et venues des femmes.
C’est le lieu où les ragots se forment et se défont. C’est un lieu saint ; c’est un lieu de rencontres, de disputes, de papotages, de rires et de franches rigolades. C’est un lieu particulier où les peines quotidiennes, les espoirs les plus fous, côtoient la culture et les rites religieux.
Les jeunes se retrouvent sur la place pour roucouler en amoureux – quelle insouciance qu’être jeune !
Les femmes en saris, rouges flamboyant ou jaunes, font voler du riz, en offrande, devant le temple ou font des génuflexions devant l’ex-voto de Ganesh. On croirait assister des défilés de mode !
Les enfants qui jouent avec des cerfs-volants qu’ils font voler en se jouant du vent avec la ficelle qu’ils manient avec dextérité au-dessus des toits des maisons ou des temples.C’est une cour des miracles !
A Patan on se croirait hors du temps à entendre les cloches sonner, du haut des moucharabiés sur le Durbar Square.
Tout cela est juste le bonheur.
Tout cela rempli mes yeux, mes sens d’images, de couleurs et de sensations que je ne peux arracher de ma personne.
Il y a l’ancien palais royal en reconstruction qui sera une merveille d’ici quelques années. Des hommes et des femmes du monde entier viennent y travailler pour l’aider à retrouver sa beauté d’antan.
Et surtout tous ces temples hindouistes en forme de pagode à 3 ou 4 étages qui jonchent la place. Le plus drôle : ces volants le long des étages des pagodes qui volent au vent, se soulèvent et font comme un roulis, lorsque le vent s’engouffre sous elles. On dirait que l’on devient spectateur incongru, voyeur, de ce qui se passe sous les jupes de filles, et des rituels dans les temples. Ces derniers se dévoilent aux yeux des étrangers et de l’étrangère que je suis.
Mes yeux restent écarquillés et s’imprègnent de cette vie, de cette douceur et de cette rudesse. De multiples visages s’offrent et représentent Patan.
On a l’impression, en errant à travers Patan, de se retrouver 2000 ans en arrière, dans les fastes de cette ville où j’imagine très bien voir les reines et les rois transportés dans leurs palanquins la traverser ; voir danser les Dieux dans les ruelles sombres ; la poussière rouge se répandre sur les offrandes déposées sur la tête des Dieux ; Ganesh se dandinant avec sa trompe dans tous les sens, volant au gré du vent et rigolant de son air goguenard.
Même aujourd’hui, dans ma Paname natale, je ne cesse de penser à elle et de déambuler dans ses rues, tant l’acuité de la mémoire de mes allers et venues est présente, forte en moi. Je ne cesse de me voir, dans ma tunique népalaise, légère et radieuse, aux couleurs locales, marchant à la découverte de cette ville, comme volant vers un avenir joyeux. Je n’ai qu’une hâte, y retourner, me frayer mon chemin et retrouver ma place dans ce Patan, si proche et éloigné de moi.
Impression paradoxale d’avoir semé des petits cailloux pour me montrer le chemin de retour vers cette légèreté et le sourire de Patan. Les yeux népalais me hantent.
C’est simplement magique et cela me repose !
Très beau texte ,très touchant
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