Je n’avais qu’une hâte ce samedi là – rejoindre Aix en Provence pour visiter le Musée Granet et surtout voir en réel et non à travers ses livres, les peintures de Fabienne Verdier.
Aussitôt dit aussitôt fait me voilà dans le bus qui me mène à Aix en provenance de Marseille. Et surtout le nez au vent je redécouvre cette région que je n’avais pas vu depuis longtemps. La luminosité de ce joli coin de France est spécifique et a cette douceur intemporelle.
Assise dans le bus je regarde le paysage et profite de la nature. Pas trop le temps de flâner me voilà déjà arrivée à Aix.
Première envie découvrir la ville et filer à travers les dédales de rues vers le Musée Granet où attendent les œuvres de Fabienne Verdier.
Traverser Aix pour rejoindre le cours Mirabeau et passer juste à côté par une place où les parapluies font parasols et protègent de l’ardeur du soleil rend complètement loufoque la place. On pourrait se croire dans le film des « Parapluies de Cherbourg » mais nous sommes à Aix et il ne pleut pas, au contraire le soleil darde et nous fait rechercher le côté ombragé de la ville et de ses rues.
Le cours Mirabeau, rue très large bordée de platanes, où aujourd’hui se côtoient le marché et les grandes enseignes bancaires me permet de filer rapidement vers des rues piétonnières qui mènent au Musée Granet. Car je suis tendue vers cet objectif – visiter et voir les œuvres de cette artiste. Je finis par tourner dans une ruelle qui me mène à la place où se trouve le Musée mais aussi l’église Saint-Jean de Malte.
Car exposer au musée Granet correspond à une aventure pour Fabienne Verdier. Elle repose sur le fait d’entamer une recherche avec un atelier nomade (250 kgs de matériel à porter) et de peindre avec son immense pinceau gorgé de peinture à Bibémus, au sommet de la Sainte-Victoire et face à la montagne. Revenir sur les terres de Cézanne véritable gageure !
Et surtout pouvoir admirer 50 tableaux de grand format parcourant le chemin qu’elle a fait de de ses années en Chine à ses dernières créations en Provence pour cette rétrospective imprévisible.
Pour l’œuvre réalisée sur la montagne de Sainte Victoire elle a choisi cinq points de vue pour réaliser ses peintures. Avec ses pinceaux elle réussit à montrer les métamorphoses de la montagne qu’elle retranscrit dans ses peintures. Et elle atteint une autre forme abstraite avec la poche à douille immense pour projeter directement sur la toile la peinture et créer le mouvement des montagnes.
Ainsi nous pouvons voir toute l’évolution des œuvres de Fabienne en passant de la Calligraphie, à la danse avec un pinceau géant qui lui permet de rendre tout son ressenti à travers l’image qu’elle a devant les yeux, la musique qui se forme autour d’elle et en elle, pour finir par accoucher d’une œuvre où elle fait corps et âme avec le mouvement du pinceau ou de la poche à douille.
Et puis il faut courir au Musée du Pavillon de Vendôme pour y découvrir l’atelier nomade de l’artiste, lui permettant de sortir de son atelier et de pouvoir continuer à peindre avec sa technique particulière.
On y découvre la sortie sur les montagnes Sainte -Victoire et puis toute l’histoire qu’elle a réalisée pour en arriver à peindre ses tableaux.
Le pavillon est en lui-même une petite merveille, joyau d’architecture avec un jardin à la française. J’ai surtout adoré le plafond d’une des salles du bas dont voici la photo ci-dessous.
Qui est Fabienne Verdier ?
Une artiste née en 1962 qui fait les beaux-arts de Toulouse et qui part en Chine se former de 1983 à 1992 auprès des maitres chinois, grands peintres et maitres en termes de calligraphie. Puis elle travaillera sur les peintres flamands primitif, les expressionnistes abstraits comme Pollock et explore aussi différents types de recherche sur les sons, les mots, la peinture. Elle peint un peu partout dans le monde : New-York, Québec, sur un bateau en Norvège et dernièrement à Aix en Provence.
Fabienne peint avec un pinceau à la verticale, technique qu’elle a héritée de ses dix ans passés en Chine. Elle fait corps avec son pinceau. Son corps est alors l’instrument de sa pensée et décrit le mélange entre les paysages intérieurs et ceux extérieurs pour former une osmose.
Ce qui est passionnant dans son œuvre c’est qu’elle s’est confrontée aux forces de la nature : pluie, vent, grêle, les forces de la nature qui ont influé sur le résultat de ses peintures.
Œuvres de Fabienne Verdier : (celles que j’ai aimé et aime)
- Son autobiographie
- 2000 L’unique trait de pinceau
- 2007 Entretien avec Fabienne Verdier de Charles Juliet
- 2007 Entre ciel et terre
- 2011 Palazzo Torlonia
- 2013 l’esprit de la peinture
- 2013 Fabienne Verdier et les maîtres flamands
- 2018 Ainsi la nuit
Et puis maintenant je vais vous faire le récit de ma visite et des interprétations tout à fait personnelles de son œuvre visitée au Musée Granet :
Ce tableau bleu représente la période de calligraphie, qui sur vingt colonnes, parle de signes chinois et de rien d’autre.
Le carré rouge en haut et au milieu pour l’empreinte du sceau (Méditation en cobalt, 1997). Idem pour l’extrait d’un tableau rouge avec le sceau différent puisqu’il représente un paysage de montagne (Cinabre et Sérénade 1997).
Déjà la montagne qui hante les œuvres de Fabienne Verdier.
Celle-ci avec le mélange de fond doré en bas, bleu acier sur une partie haute et surtout ces deux corps qui se tiennent dont l’un danse sur lui-même et repose ou s’appuie sur l’autre, raide et droit comme un i. C’est entrainant comme une valse (Destin, 2004).
Celle-ci pleine d’humour avec des yeux ou lunettes rondes au-dessus d’une montagne qui est dans un mouvement avec un bout de calligraphie sur la partie droite et basse du tableau. Eh bien vous rirez peut-être mais c’est un crapaud (Le crapaud, 2000) !
Ce tableau marque la pureté du signe : deux i rouge ou deux hommes sur un fond vert pomme. Deux lignes de même longueur, à même distance du bord du tableau. Une méditation réussie qui aboutit à la simplicité du trait.
Moi qui adore le rouge me voilà servit avec ces formes virevoltantes partout dans le tableau, qui prennent tout l’espace, s’introduisent et disparaissent on ne sait où ! Quand on prend en photo un détail du trait blanc on peut voir les différentes rainures, les effilés des poils du pinceau, les courbes, les échappées et les traces non linéaires. Toujours dans le mouvement et le rapprochement. (Margareta I, la pensée labyrinthique, 2011)
Ce triangle rouge sur fond vert pomme m’interpelle. Seul et tout en bas du tableau. On a envie de passer à travers, de sauter dans le vide derrière ! Quelque chose d’inachevé avec des éclaboussures. (Sedes Sapientiae II, 2011)
Et là ces deux hommes qui se parlent, se rapprochent l’un de l’autre pour peut-être à arriver à ne faire qu’un. Mais ces deux formes en sont bien loin et elles volent l’une vers l’autre. Un mouvement d’emboitement empreint de grande douceur. (Saint-Christophe traversant les eaux II, 2011)
Ce tableau à fond vert avec toutes ces lignes noires échevelées, superposées qui créent un mouvement de lame de fond comme des vagues qui viennent du plus profond de soi ou de la mer. Des traits fins ou bien plus grossiers avec des tâches, des pointillés entre. Du mouvement, du mouvement et du mouvement comme une onde de choc qui s’échappe on ne sait où. (Suite provençale 2 en hommage à Darius Milhaud, 2015)
J’adore ce que dis Fabienne Verdier :
Et puis ce long tableau où s’imbrique des vagues blanches sur un fond bleu de mer et qui donnent un tempo brutal, violent, où des ronds forcent le passage et rend la violence du monde. Si l’on prend un détail tout est filament, particules en mouvements contradictoires comme des vagues allant à contresens les unes des autres et s’agitant au gré des flux constituant le mouvement lui-même. Ou bien les astres en colère avant le trou noir. (Vide, Vibrations 4, Polyphonies, 2017)
Découvrez, laissez vous porter par cette œuvre qui ne demande qu’à se ressentir e s’imprégner en vous.
Cette exposition dure jusqu’au 13 octobre 2019 au Musée Granet.
Aix, septembre 2019.
Belle découverte ! Merci pour ce partage ! Bon weekend
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