Voyage au pays des Aïnous


Lors de mon voyage au Japon sur l’ile d’Hokkaido j’ai découvert une nouvelle culture. La culture aïnou, qui a été en partie détruite par les Japonais, ressort de son extinction. Quand on est sur l’ile d’Hokkaido on comprend l’importance et surtout la renaissance de cette culture.

Une loi en 1997 a promu la culture et la reconnaissance du peuple aïnou, peuple aborigène, autochtone. Cela correspondant à des revendications qui s’inscrivent dans un mouvement à travers le monde entier pour et par tous les peuples autochtones décimés tant au Japon, mais aussi au Canada, aux USA, en Australie et en Nouvelle Zélande.

Les aïnous ont été mis à mal par la colonisation des Japonais de l’ile d’Hokkaido mais aussi de l’ile de Sakhaline et des guerres russo-japonaises du début du 20e siècle.

C’est un peuple aborigène qui provient de Sibérie et qui s’était installé sur l’ile de Sakhaline, des iles Kouriles avant d’être colonisé par les Russes et les Japonais.

L’origine ethnique des Aïnous est différente des Japonais car ils sont plus grands, plus poilus et ont une peau plus pâle malgré les métissages qui s’ensuivirent.

Leurs ancêtres, chasseurs-pêcheurs et cueilleuses-chamanes, ont pu venir du continent asiatique pour peupler l’archipel japonais, les îles Kouriles, l’île de Sakhaline et le sud de la péninsule du Kamtchatka il y a environ 3 300 ans, soit 1 000 ans avant les peuples de Wa qui sont les ancêtres culturels du peuple Yamato, dont est issue la grande majorité des Japonais actuels, arrivés dans l’île de Honshū vraisemblablement depuis la Corée.

Les Aïnous ainsi que leur langue étaient il y a peu en voie d’extinction, notamment par assimilation culturelle, par immigration de Japonais issus de l’ethnie Yamato sur leur territoire et en raison de la japonisation de leur peuple dû à la politique centraliste menée par l’État japonais, certains percevant cela comme un ethnocide voire un génocide ethnico-culturel.

On compte, de nos jours, entre 25 000 et 200 000 membres rattachés à ce groupe ethnique, mais aucun recensement exact n’a été tenu car beaucoup d’Aïnous cachent leur origine ou, dans bien des cas, ne la connaissent même pas, leurs parents la leur ayant dissimulée pour les protéger de la discrimination et du racisme.

Le mot aïnou veut dire humain et distingue l’homme des Dieux (Kamuy).

Leur religion était de type animiste : la principale divinité de la montagne était représentée par l’ours et la principale divinité de l’océan par l’orque mais aussi par les chouettes (kotan kor kamuy Dieu qui protège les villages). C’est pour cela que chaque maison avait un endroit pour élever l’ours brun (kimun kamuy dit Dieu des montagnes) dans une petite cabane en hauteur.  Kamuy-huci est la déesse du feu de l’âtre, avec laquelle les femmes chamanes communiquent en état de transe par différents rituels. Elle a une place centrale dans la spiritualité des Aïnous car elle protège le foyer du clan maternel. Une autre déesse est la mère-araignée, tisserande et prenant grand soin de ses petits.

Renaissance à travers de nombreux musées dans toute l’ile. Que cela soit à Abashiri, Akan et sur le lac de Kusharo, Hakodate ou bien le magnifique musée d’Upopoy, la culture aïnou est bien là et c’est tant mieux !

L’origine des aïnous est aussi très intéressante.

Le phénotype des Aïnous dont les yeux n’étaient pas bridés et qui étaient en moyenne plus grands et plus barbus que les Japonais, a donné lieu à de nombreuses interprétations qui les ont rapprochés tantôt des caucasiens, tantôt des australoïdes (tels que les andamanais ou les aborigènes d’Australie). Par la suite, l’anthropologue canadien Reginald Ruggles Gates (1882-1962) a soutenu, en s’appuyant sur les génotypes, la thèse d’une origine mongoloïde même si la morphologie aïnou était, à l’origine, moins typiquement asiatique.

Il semble que les Aïnous soient le seul peuple de la période Jōmon à ne pas avoir connu de brassage génétique avec les peuples de la période Yayoi, arrivés plus tard de la péninsule coréenne. De ce fait, ils sont proches des habitants des îles Ryūkyū, eux aussi issus des peuples Jōmon et peu mélangés avec les peuples Yayoi. Les Japonais sont issus du métissage entre Jōmon et immigrants de Corée ; ils présentent des traits génétiques, linguistiques et ethnobotaniques communes avec les Aïnous, les Mongols, les Coréens et les Chinois du Nord de la Chine, et des traits architecturaux, mythologiques et culturels communs avec les peuples austronésiens.

Selon l’ethnologue Wilhelm Joest (1852-1897), les Aïnous actuels sont toutefois largement métissés et ressemblent donc plus aux Japonais qu’il y a quelques siècles.

Mais une assimilation forcée va entrainer la perte des repères des aïnous.

Entre le XVIe siècle et le milieu du XIXe siècle, les Japonais exercent « l’assimilation forcée », entre autres sur les Aïnous : l’habillement, la religion et l’éducation de toutes les populations du territoire japonais doivent être japonais. Puis, les règles japonaises durant l’ère Meiji (XIXe siècle – début du XXe siècle) s’attachent à « réformer » le mode de vie aïnou dans son quotidien, interdisant leur langue et les cantonnant à l’agriculture sur des parcelles fournies par le gouvernement. Les Aïnous sont aussi employés dans des conditions proches de l’esclavage par l’industrie de la pêche. Ils ont aussi été forcés (par le clan Matsumae) à servir de population tampon entre les Japonais et les Russes.

Il en fut de même en Russie où ils furent convertis à la religion orthodoxe. Après 1945, beaucoup d’Aïnous de Russie rejoignirent le Japon. La présence des Aïnous en Russie fut d’ailleurs cachée. La guerre russo-japonaise exerça aussi une influence sur la disparition des Aïnous de Russie. Ainsi lorsque l’île Sakhaline a été rattachée au Japon (prenant le nom de Karafuto (樺太)), les Aïnous furent envoyés sur l’île d’Hokkaidō.

Jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Aïnous sont contraints de « devenir Japonais », de renier leurs rites, leurs arts, leur mode de vie, leur religion (abandon des cérémonies de mariage, d’enterrement, des esprits animaux). En 1899, le Parlement japonais promulgue la Loi sur la protection des anciens aborigènes d’Hokkaido, destinée à assimiler de la population aïnou du nord du Japon. En 1927, Kaizawa Hiranosuke réclame au gouvernement le droit des Aïnous et d’autres peuples indigènes d’être représentés au Congrès des peuples asiatiques à Nagasaki. Dans les années 1930, l’Association aïnou de Hokkaido se bat pour une révision à la Loi, dont certaines sections seront abrogées par la suite. Cependant, celle-ci continue à être au sein de mesures d’assimilation oppressives et de la discrimination à l’égard des Aïnous au Japon.

À partir de 1960, les Aïnous commencent à se rassembler pour acquérir le droit à la différence. Leurs demandes régulières, menées par l’Association Utari et Giichi Nomura, n’ont aucun aboutissement, mais ils poursuivent leurs efforts et soutiennent leur projet de lois pour faire valoir leur « droit à la différence ». Mais ce n’est qu’en 1994, grâce à la pression exercée par l’ONU en faveur des peuples autochtones, qu’ils parviennent à faire entrer un des leurs, Shigeru Kayano, à la Kokkai (Parlement japonais).

Dévoué à son peuple depuis toujours, Shigeru Kayano n’a cessé de se battre pour obtenir sa reconnaissance. En 1997, est promulguée la Loi pour la promotion de la culture aïnoue et pour la dissémination et le soutien des traditions aïnoues et de la culture aïnoue. La même année, un tribunal reconnaît que le gouvernement japonais n’avait pas respecté le patrimoine culturel et les sites sacrés des Aïnous lors de l’expropriation de terres pour la construction d’un barrage dans le village de Nibutani.

À la suite du passage de la nouvelle Loi, les Aïnous ont le droit et le devoir de promouvoir leur culture, leur différence. Plusieurs dizaines de musées et de centres culturels consacrés à la culture aïnou sont les réceptacles de leur savoir, de leurs traditions. Mais la discrimination existe toujours. Selon un sondage du gouvernement de Hokkaidō en 1999, un Aïnou sur deux seulement n’a pas été témoin de discrimination envers des Aïnous (qu’il soit lui-même victime ou non) et les Aïnous espèrent aujourd’hui obtenir davantage que le « droit à montrer leur culture » : le « droit à vivre selon leur culture ».

Les revendications actuelles des Aïnous portent sur l’exigence d’une représentation légale des populations minoritaires japonaises dans les couloirs du pouvoir (chambres constitutionnelles). En effet, à part Shigeru Kayano, aucun représentant de minorité nippone n’a eu la parole dans les hauts lieux du pouvoir japonais. Les Aïnous vont jusqu’à demander la création d’un État fédéral dans lequel leur voix portera autant que celle du gouvernement japonais, exigence excessive pour les Japonais.

Un projet, dont l’élaboration a commencé avec la promulgation de la loi pour la promotion de la culture des Aïnous en 1997, tend à rendre possibles les revendications des Aïnous : le parc Iwor (アイヌイオル構想). Ce projet, dit de « parc historique », permettrait de « reproduire les espaces de vie traditionnelle » et d’agir pour la « préservation de l’environnement ». Un espace appartenant aux Aïnous, géré par les Aïnous, dans lequel pourraient être conservés et transmis les traditions et mode de vie des Aïnous. Mais au début du XXIe siècle, pour les raisons politiques mentionnées au paragraphe précédent, le parc Iwor ne peut toujours pas être construit.

L’espoir porte à présent sur l’ONU et son instance des Peuples autochtones qui doit préparer une déclaration des droits des peuples aborigènes, laquelle pourrait aider à débloquer la situation.

L’ethnie des Aïnous réclame aussi un dédommagement s’élevant à 1,5 milliard de yens auprès des autorités japonaises pour avoir subi la colonisation japonaise.

Paris le 21 avril 25.

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