Ma grand-mère et le Pays de la poésie de Minh Tran Huy – Flammarion


Un très beau livre sur l’histoire de sa famille mais surtout de son amour pour sa grand-mère vietnamienne « Ba ».

Un retour sur une histoire tourmentée pendant la guerre du Vietnam avec la France, les Etats-Unis et l’unification entre le nord et le sud dans les années 1970. Guerre qui a fait que cette grand-mère est arrivée en France.

Ce fond historique est bien présent mais c’est surtout la relation à cette grand-mère et son histoire si particulière qui a marqué la vie de ses enfants mais aussi de sa petite-fille.

Tout se rapporte à des odeurs, la langue vietnamienne qui reste celle qu’une petite fille apprend dès son jeune âge et qui reste une langue d’enfant ; les odeurs de plats réalisés par sa grand-mère ; la douceur et les injonctions de cette grand-mère ; la bague en or qui n’est pas la bague de fiançailles donnée en offrande dans une pagode ; les siestes obligées qui se transforment en une seule confidence.

Et puis par intervalles les contes vietnamiens qui s’intègrent dans les récits pour illustrer un propos et surtout faire comprendre la culture vietnamienne. Toute la poésie de ce pays qui flirte dans sa vie. Et ce livre nous emmène dans la poésie d’une vie, d’un pays à travers des yeux d’une enfant et d’une connivence entre deux êtres que tout attache.

Et c’est aussi l’éloignement de cette petite-fille – éloignement par la langue française utilisée tous les jours ; les études ; le travail ; le mariage et les enfants dont un est autiste.

Et cette grand-mère qui ne se plaint pas, vieillit et meurt. Les rituels qu’il faut réaliser pour l’enterrer.

Et on s’aperçoit alors le manque, le dévouement que cette femme à toute sa famille qui n’a vécu que pour cela et les silences qu’elles a emporté avec elle. Tous les non-dits qui s’accrochent aux générations suivantes et qui ressortent d’une manière ou d’une autre.

Et surtout le fait de ne pas réellement connaitre l’histoire de la famille car les silences sont une tradition.

Et l’auteur va reconstituer le puzzle de cette vie : une jeune femme que l’on marie selon les traditions vietnamiennes (et encore elle a appris à lire et à compter) ; tout pour être heureuse mais la guerre intervient et son mari et son beau-père disparaissent fusiller dans une forêt ; demander de l’aide après avoir essayé de survivre avec ses deux enfants dont l’une mourra ; se réfugier chez son frère juge ; faire que son fils réussisse dans ses études pour arriver en France et faire centrale ; et quitter ce pays grâce à lui.

Un pays où l’auteur reviendra avec ses parents et qui lui paraitra bien fade et bien éloigné de ce qu’elle pensait pouvoir voir avec ses parents – loin du style de vie qu’elle mène en France et des contes de sa grand-mère.

Le résultat est le grand roman de la troisième génération après la guerre du Viet-Nam**, qui montre de façon poignante la filiation entre transmission intergénérationnelle des traumatismes et création artistique, entre manque et poésie. Je l’ai adoré !

J’ai eu la grande joie de rencontrer Minh Tran Huy lors d’une soirée littéraire chez ma libraire favorite Voyelle à Paris.

Le sentiment que j’ai eu m’a fait penser à une amie à l’histoire identique et cette grand-mère si présente encore ce jour. Ce fut un moment bouleversant et qui donne toute la mesure du poids des relations intergénérationnelles et des liens si forts et si ténus qui perdurent à travers les âges, les époques et les filiations.

Une très belle lecture très émouvante et forte.

Paris le 14 avril 25

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