« Source de chaleur » de Soichi Kawagoe



Un livre qui retrace l’histoire de la minorité Aïnou au Japon et en Russie sur les îles de Sakhaline et d’Hokkaido.

Un livre qui permet de vivre le parcours de deux hommes dont le destin va se croiser et qui aura pour leitmotiv la cause de minorités qui tendent à disparaitre, englouties par les peuples plus puissants, à travers la fin du 19e et notre siècle.

Histoires basées sur des faits réels et des personnages ayant existés. Le tout sur un fond historique de guerres en Europe mais aussi entre la Russie et le Japon (1905 et la 2e guerre mondiale) et du choc des impérialismes de l’époque.

Bronislaw Pilsudki, Polonais qui sera arrêté et déporté sous l’époque tsariste sur l’ile de Sakhaline pour avoir voulu fomenter un coup d’état vis-à-vis du tsar de Russie. Un Polonais dont la Pologne son pays d’origine et sa langue auront été rayés de la carte par la Russie et l’Empire germanique.

Yayomanekh, jeune Aïnou, né à Hokkaido de parents Aïnou qui ont dû quitter l’ile de Sakhaline et aller s’installer à Hokkaido avec les Japonais et s’assimiler à eux pour survivre.

Cette histoire est liée aux cultures minoritaires, au mode de vie des Aïnous – comment préserver son identité, sans être assimilé, ni absorbé par les peuples majoritaires. Tout tourne autour de cette idée et de ce leïtmotiv bien présent encore aujourd’hui pour les autochtones d’un certain nombre de pays.

On fait le tour de la terre en partant de la Pologne, en obligeant Bronislaw à quitter son pays, oublier sa langue et parler russe, faire des études à Saint-Pétersbourg et finir au « goulag » à Sakhaline, l’endroit le plus froid du monde. Puis avec un peu de chance commencer à s’intéresser aux Giliaks puis aux Aïnous, à leurs traditions en les rencontrant et devenant leurs amis. Lier des liens avec une école d’ethnologie /anthropologie et de géographie liée au Tsar, pouvoir sortir de sa relégation tout en étant fixé à Sakhaline. Collecter des objets, créer un école pour enseigner aux Aïnou le russe et le japonais pour savoir lutter avec des moyens ; écrire sur les Aïnous pour finir par épouser une Aïnou et avoir deux enfants avec elle, qu’il abandonnera pour ses idéaux, pour repartir se battre pour la Pologne dont il ne touchera pas le sol, assassiné par un ami de son frère, lui-même impliqué dans la création de la Pologne au moment de la révolution russe tout en s’en inspirant.

Yayomanekh qui lui quitte Hokkaido avec son fils dans le respect de la demande de sa femme morte qui voulait rentrer sur son île d’origine, et s’installe à nouveau sur l’île de Sakhaline. Il veut revenir sur les terres de ses ancêtres idolâtrées et lutte pour sauvegarder sa culture et la langue. Il travaillera à développer la pêche pour nourrir les Aïnou mais aussi pour faire du commerce et participer à la création d’une école pour les Aïnou et leur donner les moyens de pouvoir trouver une voie à eux. Il sera ballotté entre les Japonais et les Russes et ira jusqu’à participer à la découverte de l’Antarctique avec les Japonais.

Tout autour, le roman raconte les péripéties de ces deux hommes, mais aussi de ces peuples ballottés entre deux impérialismes, par des guerres où ils disparaissent et luttent pour leur survie, le tout sur fond d’amour et de musique Aïnou à travers la cithare à cinq ou six cordes et les chants ; et de tradition sur l’ours qui est l’effigie des Aïnou.

Ce livre est une très belle découverte sur ce peuple inconnu de tout le monde. Et moi qui ai voyagé cet été sur l’ile d’Hokkaido pour me familiariser à cette culture Aïnou – je ne peux que le recommander.

Juste un point la longueur sur les passages du retour de Bronislaw en Europe et ses tergiversations politiques. En tout cas on apprend beaucoup sur le peuple Aïnou. Et pour la petite histoire qui n’est pas dans le livre la plus grande collection d’objets, d’habits et autres se trouvent au Musée d’Ethnographie de Saint-Pétersbourg.

« Le mépris ou le sentiment de supériorité vis-à-vis de tout ce qui est étranger ou autochtone a toujours existé dans tous les pays du monde. Mais l‘idée qu’il existe une hiérarchie entres les races et qu’elles doivent lutter pour survivre est une théorie européenne…Mon avis est que cette théorie est erronée. Et mes recherches ont pour objectif d’apporter la preuve de cette erreur… Je n’ai jamais rencontré ces humains « inférieurs » postulés par la théorie ».

Lisez ce livre car il est passionnant.

Paris le 27 aout 24.

 



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