Le Transsibérien : expérience “out of Sovietica Russia”


Une de mes grandes étapes en Russie était de prendre le transsibérien et de pouvoir rejoindre Vladivostok et le grand est de la Russie. Les livres de Jules Verne avec « Michel Strogoff », de Blaise Cendras avec la « Prose du transsibérien et de la petite Jehanne de France » et de Boris Pasternak « Le Docteur Jivago » avaient laissé leurs empreintes dans ma mémoire. Ayant vécu en Russie de 1990 à 1994 je n’avais pu réaliser ce voyage et 25 ans après me voilà dans le train de mes envies. Je ne suis pas partie de Moscou mais d’Oulan Oude après un tour sur le Baïkal.

Prendre le transsibérien est une épopée moderne et cela vaut le coup de le réaliser ! Un petit retour dans l’ère soviétique avec la prodovnitsa, responsable du wagon, sorte de dragon tellement elle peut être aimable !

Départ à 14h00 de la belle gare d’Oulan Oude. Tout d’abord le train arrive toujours à l’heure, ponctuel et repart à l’heure…Laquelle ? Au début on ne sait pas très bien – on a l’heure à sa montre qui ne représente pas celle du train – mais après quelque temps et avoir découvert un horaire collé dans le couloir du train on est sur celui de Moscou. Car les horaires du train sont basés sur les heures de Moscou. On vit en décalage horaire permanant – ce qui donne parfois du poil à gratter et des angoisses pour attraper son train ! On apprend à jongler avec les heures et à rajouter plus ou moins sept heures dans chaque gare et dans le train. Pas pratique c’est moi qui vous le dis et ça donne parfois des quiproquos !!! D’ailleurs dans le train il y a un tableau avec les horaires moscovites et leurs équivalents dans chaque gare – histoire de savoir à quelle heure il faut « sauter » du train. Mais la prodovnitsa fait le rappel à l’ordre des troupes et vient prévenir chaque voyageur de son arrivée à destination.

Le premier point d’entrée dans le train c’est la « prodovnitsa » sorte de gardien du temple du transsibérien, plus ou moins agréable selon la personne. Vérification du passeport, du nom et de la place attribuée dans le train. Et hop on a le droit de monter dans le Saint Graal ! On monte valise et tout son bazar – courses obligent pour le premier jour – histoire de ne pas mourir de faim et d’occuper son voyage. Et on file dans son compartiment rejoindre les premiers arrivants. Je me suis retrouvée sur la couchette la plus haute au milieu de quatre autres femmes. J’ai glissé les valises sous la couchette du bas et me suis assise sur le siège d’une de mes compagnes de voyage qui m’avait fait une petite place. Présentation en russe et le train repart dans sa longue et lente traversée de la Russie orientale. Entre temps la prodovnitsa vous apporte un sachet plastique où se trouvent vos draps, serviette de toilette – un kit quoi ! Et là s’installe une vie nouvelle au gré des boogies, des grincements des rails, du bruit des voisins rythmant nos journées et nos nuits. Badang badang badang – voilà le refrain du train. Badang badang badang et nous voilà en train de bailler, de rêver, de lire, papoter ou juste glisser en soi.

La vie est rythmée entre le badang badang badang des boggies et les arrêts aux gares. On égrène les noms des gares comme un chapelet : Petrovskii Zavod, où Lénine est en piédestal devant la gare pour accueillir ses visiteurs ou ses habitants de retour d’un long périple. Une gare très soviétique comme le seront beaucoup d’autres avec ses fresques à la gloire du peuple et des travailleurs de choc ! Puis on longe des grands fleuves, des forêts de bouleaux ou de sapins sur des centaines de kilomètres. Puis une nouvelle gare où l’on peut aller se dégourdir les jambes et aller faire ses emplettes de nourriture pour les heures à venir. Parce que chaque gare ne permet pas un arrêt… Soit l’arrêt est de vingt minutes et vous avez tout le loisir de vous promener sur le quai, d’aller acheter des produits locaux, perochkis, fruits, gâteaux, boissons ou petits souvenirs du cru. Ou bien vous êtes derrière vos vitres et vous regardez les voyageurs descendre et vous repartez dans les cinq minutes qui suivent. Et là, la prodovnitsa est le véritable gardien du temps et le gendarme de vos promenades ou sorties des wagons. Et la nature reprend son cours et vous entre deux sommes vous reprenez la routine du train. Et tout d’un coup une envie de roder près du samovar et de boire un thé vous vient à l’esprit. Et hop une descente de votre place et vous voilà à susurrer votre thé à la russe. Samovar qui aujourd’hui est plus un chauffe-eau à disposition de tous, proche du compartiment de la prodovnitsa. Car elle veille nuit et jour dans le train. Une gorgée de thé et un coup d’œil sur les paysages qui défilent, une autre gorgée et un coup d’œil à vos voisins qui dorment, boivent de la bière ou de la vodka, mangent ou papotent. Car le train c’est aussi les rencontres, les papotages, les lectures, les diners ensemble où l’on partage le repas, la boisson. Et à nouveau la nature, une sieste et un arrêt à une gare. Et puis on peut s’asseoir dans le couloir pour recharger son téléphone, regarder la locomotive tracter le train dans les courbes et apercevoir la longueur de ce dernier. Et il est le long le transsibérien…. Et puis on assiste au coucher de soleil entre les nuages qui s’étirent et se reflètent dans les fleuves. Nouvel arrêt à Khilok, station art déco des années trente. Puis on remonte dans le train et nous voilà reparti vers d’autres villes inconnues de moi ! C’est l’aventure ! On énumère les villes et on regarde sur le tableau quelle est la gare suivante et le temps pour la rejoindre. Et puis on a envie de lire ou de dormir au gré des cahots. Et puis l’ennui se glisse en vous et tout à coup une petite faim vient vous titiller. Or le billet de train comprend un repas dans le restaurant. Une petite bière, du poulet aux champignons et au riz – rien de folichon ni d’exotique ! Mais bon c’était histoire de changer de crèmerie et de bouger dans le train ! Et puis c’est amusant de pouvoir regarder le spectacle du restaurant. Entre les couples qui se bécotent, ceux qui se forment – vodka et ennui aidant, les amis qui mangent et boivent à la santé du train et du voyage à effectuer. Et à nouveau le temps s’étire …  Puis nouvel arrêt pour acheter quelques broutilles, caresser le chien qui rêve du morceau de pain, tombé à ses pieds et à nouveau la nature, les conversations avec vos compagnons de voyage.

Et puis le matin il y a le rituel du petit déjeuner avec la personne qui vous propose à manger : délicieuse kasha avec les cassis que j’avais achetés dans une gare lors d’un arrêt. Un délice !

Et puis un petit tour aux toilettes et j’avais oublié j’ai dégoté le fait de pouvoir prendre une douche tous les jours, moyennant quelques roubles (250 avec serviette comprise) dans les compartiments des premières. Waouh effet revigorant et on se sent beaucoup plus frais ! A nouveau les compagnons de route dans le couloir : le uns à regarder les paysages, les autres à jouer sur leurs tablettes, ou écouter de la musique…. Un écosystème à soi !

Nouvel arrêt de deux minutes puis départ… Forêts de bouleaux… Entre deux rêves on pense à tous ces êtres humains qui ont été déportés en Sibérie et qui ont construits le BAM (Baîkal Magistral Amour). Et tous ceux qui sont morts dans les goulags ou à la tâche.  Puis nouvelle envie de thé et là on voit l’heure de Moscou 13h19 alors qu’il fait nuit noire !!!! Et puis on traverse des villages, on aperçoit des champs et des jardins bien tirés au cordeau, agrémentés de légumes, des izbas … Puis nouvel arrêt : Oblouchié avec la statue de Lénine au bras tendu vers vous. Je ne sais si c’est pour nous accueillir, faire un discours mais il est bien là. Et on le retrouve de manière régulière dans à peu près toutes les gares malgré le siècle de distance. Cette gare est en rose bonbon et bleu ciel avec un escalier en fer à cheval ! A mourir de rire dans un endroit éloigné de tout ! Puis on repart et là montagnes, collines, fleuves nous entourent – paysages russes avec de gros nuages ensoleillés. On sent l’ennui nous gagner – un petit somme serait le bienvenu et bien vive ce moment léthargique où on se laisse glisser aux sons des boggies dans les bras de Morphée. Et à nouveau nouvel arrêt et il y en a des villes entre Oulan Oude et Vladivostok. J’ai beau essayé de me les remémorer mais j’ai déjà tout oublié !!  Et puis un stop à Khaborovsk où l’arrivée du train est prévue pour 19h. On traverse sur le nouveau pont en fer à double étage – un pour les voitures et les camions, un autre pour les trains. Qu’il est large le fleuve Amour, tumultueux et fou. Comme tous les fleuves russes !! Arrêt de deux jours à Khabarovsk histoire de reprendre ses esprits et de voir le fleuve Amour.

 

Et départ de nuit à 22h00 pour Vladivostok avec des compagnons beaucoup moins sympathiques. La pluie et la brume pour la fin de ce voyage sont au rendez-vous. Il pleut aussi à Vladivostok. Mais cela n’empêche pas les riverains de pêcher ou de se baigner dans la mer le long de la baie sur la primorie.

Me voilà arrivée à l’est le plus extrême de la Russie après quatre ou cinq jours en vase clos. Ravie de pouvoir jouir d’une nouvelle ville à découvrir et arpenter. Mon rêve en Russie va s’achever là. Vladisvotok – ville ouverte depuis quelques années aux étrangers.

Après quelques jours de flottement entre deux arrêts, rythmés par les boggies, la berceuse et les grincements des rails, la notion du temps s’efface et tout devient flou. On vit entre deux eaux au rythme des kilomètres à parcourir et des paysages identiques qui se déroulent sous nos yeux.  Les horaires s’oublient, Moscou est toujours là pour vous rappeler qu’elle existe même si 10 000 kms nous séparent.

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