
Deux très beaux livres viennent de marquer ma dernière semaine.
Un même auteur Marie Charrel avec « les mangeurs de nuit » et « les danseurs de l’aube ».
Deux livres écrits et publiés à deux années de différence et qui marquent les esprits.
Deux livres sur des hommes et des femmes qui ont subi la seconde guerre mondiale, l’un nous mène en Europe centrale dans des familles juives luttant contre le nazisme, l’autre au Canada où des Japonais faisaient venir leurs futures épouses du Japon, qui seront confrontés à la dure réalité des camps pour lesdits ennemis des vainqueurs de la guerre. Deux mondes où l’horreur de la guerre est au centre de ces écrits.
Mais ces histoires triomphent à travers la danse du flamenco et l’autre par la nature au travers des traditions des autochtones.
Mais commençons par les danseurs de l’aube.
Ce livre est rythmé par la musique et la danse du Flamenco, par l’histoire de Sylvin et Maria Rubinstein, de Lukas et Iva. Quatre êtres humains d’origine juive russe et les autres roms hongrois qui vont subir la haine pendant la seconde guerre mondiale et les deux plus jeunes la haine des roms en Hongrie avec des sortes de pogroms et d’éradication de leurs présences.
Le livre nous entraine dans une danse, dans un rythme endiablé où les corps ne font plus qu’un, entre ces quatre personnages, à des périodes différentes mais qui recherchent la perfection dans la danse, l’oubli des malheurs de ce monde, la grandeur de la musique et du flamenco, la connaissance et la profondeur de soi.
On passe à travers une alternance de chapitres du monde de la seconde guerre mondiale à la juxtaposition de notre époque, comme dans le tourbillon et le martèlement des pieds du rythme échauffé du flamenco.
Iva et Lukas partent à la recherche et sur les traces de Sylvin et Maria tant dans leur histoire personnelle que dans leur talent de danseurs de flamenco ; ils partent à la recherche de ce qu’ils sont comme l’étaient Sylvin et Maria que la vie et la guerre vont séparer définitivement. Sylvin devenant Maria sur la fin de sa vie, en se travestissant, pour sublimer celle qu’il aimait le plus au monde. Ils transcendent leurs vies, leurs pas de danses pour être autre, soi et donner le meilleur d’eux. Ils se découvrent et se soutiennent dans leurs vies, se subliment pour ne devenir qu’un et accepter que l’un d’eux n’est plus là. Lukas acceptera les départs d’Iva.
Deux mondes en Europe, deux époques qui se superposent, quatre personnages comme un quatuor ou une partition à quatre mains. Un voyage à travers le monde, à travers l’Europe mais aussi l’intolérance et les guerres.
Par la suite je me suis littéralement jetée sur « Les mangeurs de nuit ».
Là autre histoire, autre monde le Canada avec comme aux USA la communauté de Japonais qui étaient venus travailler et qui épousaient sur photos des jeunes Japonaises qui traversaient la mer pour rejoindre des inconnus qui ne tiendraient par leurs promesses.
Au Canada on les appelle des Nisei. Enfants d’immigrés japonais, des sales jaunes.
Le récit tourne autour de plusieurs personnages japonais et autochtones : le père Kuma, la mère Aika et ses amies de traversée ; Jack, Ellen, Mark, les deux chiens Buck et Astrée qui sont marqués par les traditions autochtones et le lien à la nature rédemptrice voire liée au chamanisme.
Là aussi même technique que dans le livre précédent : alternance de la vie dure des Japonais, eux aussi liés à la nature et aux contes japonais ; la vie de Jack qui a perdu son frère Mark et qui est lié à sa mère Ellen amérindienne attachée à la nature et à ses traditions.
Là aussi la violence est présente partout dans le livre, entre la dureté des relations entre les Japonais et les canadiens qui dans le contexte de la deuxième guerre mondiale se haïssent et mettent dans des camps les Japonais ; la violence dans les sociétés post-guerre où les militaires reviennent cabossés et où tout peut s’enflammer pour se venger les uns des autres. Cela rend fou tout le monde.
Tout n’est que désastre dans ces vies qui amènent des femmes japonaises à quitter les camps, devenir des sauvages dans la forêt et qui pour se nourrir et survivre, volent et tuent.
L’une d’elle Hannah va renouer, suite à la morsure d’un ours blanc, qui va la blesser profondément, à la tradition japonaise des contes que son père Kuma lui racontait.
La rencontre de l’homme qui va la soigner, Jack, va lui transmettre les traditions amérindiennes des Gitga’at et des Tsimshian. Jack est un creekwalker c’est-à-dire qu’il veille sur les forêts et sur les saumons en les comptant ; il se réfugie dans les légendes des autochtones depuis le départ de son frère à la guerre.
Il tombe nez à nez avec un ours blanc et cette jeune japonaise à moitié morte et va renouer avec les mythes anciens. Ils vont tous les deux développer des dons étranges liés au chamanisme, aux traditions amérindiennes. Ce livre est une ode à la nature, à la fraternité et aux humains qui savent surmonter la haine.
On y découvre la nature de la Colombie Britannique avec ses forêts, ses arbres gigantesques, ses oiseaux, ses nombreux saumons (keta,….) qui remontent les rivières pour nidifier et mourir. On y lit les traditions orales sur les saumons et les aigles qui s’entraident pour survivre et vont jusqu’à aider les hommes affamés.
Ce livre m’a remis dans les pas de mon voyage en Colombie Britannique et m’a fait renouer avec les autochtones et leurs traditions.
A vos lectures ! Un ravissement et deux livres à ne pas rater.
Paris le 14 juillet 2023.
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