Nous sommes des milliers à avoir chanté les mélodies de Leonard Cohen – moi la première – sa mélancolie me berçait.
Je n’ai pu résister un soir à l’appel de revoir en peinture cet homme qui avait traversé le temps, ma jeunesse et ma vie. Je voulais lui rendre un hommage à ma manière et étaler ma mélancolie devant les deux grands portraits peints sur les murs de la ville de Montréal.
La passion et la fidélité à un grand artiste ont eu raison de moi. Et puis Léonard Cohen est à Montréal comme d’autres chanteurs appartiennent à une autre ville.
Comme disait Sophie Trudeau lors d’une commémoration : « En tant que Montréalais, nous aimons penser que Léonard nous appartient, mais souvenons-nous du fait qu’il appartient au monde »
Je voulais revivre la poésie de Léonard Cohen et me couler dans Montréal qui l’a vu vivre et devenir ce grand chanteur.
Le soir de ma plus longue balade dans Montréal, fourbue et ne pouvant plus me traîner, j’ai eu tout à coup la vision et le souvenir que Leonard Cohen avait vécu à Montréal. Et je savais que deux œuvres murales trônaient dans la ville. J’ai pris un taxi qui m’a amené aux deux endroits – aux antipodes l’un de l’autre. Pas grave je voulais me vautrer dans cette mélancolie et appareiller dans les souvenirs de ses chansons et de sa poésie si particulière.
Je voulais réentendre la puissance de ses mots, le verbe si précis et le rythme de sa musique si triste et si prégnante. Je voulais entendre le cri de l’âme de ses dernières chansons au crépuscule de sa vie où il prônait « you want it darker ». Il était sur le chemin de route qui mène de l’autre côté et comme il le disait si bien « Il y a une fissure en toute chose. C’est ainsi qu’entre la lumière ».
C’est ainsi que les murs de Montréal se souviennent de lui et m’ont souri.
Au croisement de la rue Crescent et Sainte-Catherine, en plein centre-ville, treize artistes, un an après sa mort, jour pour jour, ont réalisé son effigie. Le peintre montréalais Gene Pendon et l’artiste américain El Mac en sont les créateurs. Ce mur, haut de 22 étages, dit The tower of songs, peint à partir d’une photo réalisée par sa fille Lorca rend une image de Léonard Cohen portant son Fedora fétiche. Il porte la main à son cœur comme un mot d’amour à sa ville natale. Tout le sérieux de l’homme se reflète ici. Elle est en noir et marron comme un tirage de négatif d’une photo.
A l’autre bout de la ville, sur le boulevard Saint-Laurent au coin de la rue Napoléon, à deux pas de sa maison, on peut aussi admirer une œuvre de 40 mètres, sur neuf étages, réalisée par Kevin Ledo. Il regarde fixement le quartier qui fut son repère à Montréal. Toute de mauve avec son chapeau fétiche il regarde l’étendue de son village et des lieux qu’il a arpenté. Le mauve touche au cœur et le rend encore plus doux au souvenir.
Lorsque je me suis presque prosternée devant ses murales comme disent les canadiens j’ai entendu résonner en moi ses paroles, sa voix acre et les paroles de « Suzanne ». La chanson parle de sa rencontre avec Suzanne Verdal, la femme du sculpteur Armand Vaillancourt. La scène se passe à Montréal, comme en témoignent plusieurs éléments : le fleuve (le Saint-Laurent), et la petite chapelle près du port, appelée Notre-Dame-de-Bon-Secours, qui est située sur le bord du port et fait face au soleil levant. La chanson nous invite à une rencontre fusionnelle entre deux esprits parfaitement synchronisés.
« Suzanne takes you down to her place near the river
You can hear the boats go by
You can spend the night beside her
And you know that she’s half crazy
But that’s why you want to be there
And she feeds you tea and oranges
That come all the way from China
And just when you mean to tell her
That you have no love to give her
Then she gets you on her wavelength
And she lets the river answer
That you’ve always been her lover
And you want to travel with her
And you want to travel blind
And you know that she will trust you
For you’ve touched her perfect body with your mind.
And Jesus was a sailor
When he walked upon the water
And he spent a long time watching
From his lonely wooden tower
And when he knew for certain
Only drowning men could see him
He said « All men will be sailors then
Until the sea shall free them »
But he himself was broken
Long before the sky would open
Forsaken, almost human
He sank beneath your wisdom like a stone
And you want to travel with him
And you want to travel blind
And you think maybe you’ll trust him
For he’s touched your perfect body with his mind.
Now Suzanne takes your hand
And she leads you to the river
She is wearing rags and feathers
From Salvation Army counters
And the sun pours down like honey
On our lady of the harbor
And she shows you where to look
Among the garbage and the flowers
There are heroes in the seaweed
There are children in the morning
They are leaning out for love
And they will lean that way forever
While Suzanne holds the mirror
And you want to travel with her
And you want to travel blind
And you know that you can trust her
For she’s touched your perfect body with her mind. »
Auteurs-compositeurs : Leonard Cohen
© Kobalt Music Publishing Ltd., Sony/ATV Music Publishing LLC, Songtrust Ave, BMG Rights Management
En 2006, Cohen avait indiqué à un journaliste : « Je me sens chez moi quand je suis à Montréal, d’une manière que je ne ressens nulle part ailleurs. Je ne sais pas l’analyser mais ce sentiment ne cesse d’être plus fort avec l’âge ».
Tous ces témoignages à cet auteur, troubadour de nos âmes et du monde intérieur des Hommes et Femmes qui composent cette terre.
Hommage émouvant à ce porte-drapeau de Montréal et des juifs de Montréal. Belle histoire d’amour entre une ville et son chanteur-poète. Cohen est né à Montréal et repose au cimetière juif Shaar Hashomayim sur les versants du Mont-Royal au coeur de Montréal.
Montréal, mai 2019.
Je n’ai pas vu la seconde lors de notre voyage à Montréal. Mais là première est imposante . Bel hommage à un poète que nous aimons tant ! Les artistes ne meurent jamais puisque nous suivent leurs œuvres. Bonne fin du mois
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