« J’écris comme j’aime » Isabelle Eberhardt
« Kashmir, seul le Kashmir, s’il est un paradis sur terre, c’est toi, c’est toi ! »
Disait l’empereur moghol Jalangir, fils d’Aksar, sur son lit de mort.
A tous ceux que j’ai croisé au Cachemire, à Johnny, mon pousseur de shikara, en souvenir de ces moments calmes et sereins, faits d’humilité, de douceur et de sagesse.
Le voyage pourrait commencer comme ce marchand de fleurs, accroupi à l’avant de sa shikara (sorte de gondole), qui pagaie et crie à tue-tête « I am a flower, I am a flower ». L’homme fleur, qui vient vendre jusque sous nos fenêtres du house-boat, ses bouquets colorés, récoltés dans son jardin flottant.
Le voyage commence, pour moi, par « I am in Kashmir, I am in Kashmir », ce paradis sur terre et par Srinagar qui m’éblouit. Un monde entre deux eaux, entre le ciel et la montagne.
Srinagar est comme ces bouquets de fleurs, une ville de soleil, de pluie, de neige, et de contrastes, qui s’offrent aux touristes et aux étrangers. Chaque pétale de fleurs vous fait pénétrer dans un de ces miracles, que compose ce paradis sur terre.
Le batelier, sur sa shikara, vous promène et vous emmène, sur le lac Nagin ou le lac Dal, à la découverte de cette ville flottante, qu’est Srinagar. Une Venise du nord indien, verdoyante, où les lotus roses peuplent l’eau et se mirent dans les reflets de porcelaine du lac.
J’ai retrouvé dans le Cachemire, les arbres et les parfums de mon enfance : les noyers de Moret sur Loing, les saules pleureurs avec les roseaux, le long des rivières et des canaux, les chênes, les peupliers en fleurs répandant le coton qui vole et pénètre partout, les pommiers, les platanes orientaux dits « pinars » qui ressemblent aux nôtres ; les magnolias aux fleurs blanches ; les rosiers odoriférants, aux parfums capiteux de mon jardin à la française, décliné à la Moghole avec tant de beautés, de grâces imaginées et rendues vivantes, par la musique et les jeux d’eaux des jardins de Shalimar.
Cette région concentre, à elle seule, une petite France « Moghole » au charme puissant, enjôleur qui donne un goût d’envie d’y revenir, et de s’y laisser goûter au lâcher prise, sur les eaux du lac.
On est à la croisée des chemins entre l’Occident et l’Orient, mélange de saveurs, de senteurs, de douceurs, de parfums, d’arômes qui ressemblent au « Cachemiri Kahwa ». Mélange d’épices : safran, thé vert, cardamone, cannelle et amandes coupées. Une boisson jaune, orange, suave, reposante, délicate, qui ne se trouve qu’au Cachemire et que l’on déguste sur un shikara, tout en humant le narguilé fumé par le batelier. Un moment bien à soi, épicurien, tout en admirant la montagne environnante.
Glisser sur le lac Dal ou le lac Nagin, le long des champs immergés de lotus roses, de nénuphars jaunes et de légumes flottant sur l’eau (tomates, courges et courgettes, aubergines, choux chinois…) est un ravissement des sens, de l’âme et du cœur. J’ai l’impression incroyable de sentir mon corps flotter.
Sentir la brise légère, souffler sur mon visage, lors des balades en shikara, est un bonheur inoubliable et un repos de l’âme. Seul manque l’amoureux pour se lover dans ses bras et parcourir le monde cachemiri au gré de l’eau. Mais qu’à cela ne tienne le lac est à moi !
Regarder les montagnes autour de soi, qui enserrent Srinagar, non pas dans un étau, mais qui l’offrent, comme une coupe douce, sucrée, parfumée de l’odeur du lotus ou du nénuphar, est envoutante et laisse tout votre être vagabonder, au son du glissement sur l’eau, des gondoles.
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